© 2001 Bernard SUZANNE Dernière mise à jour le 30 septembre 2001
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Au temps de Platon, les livres, tels que nous les connaissons aujourd'hui, n'existaient pas, bien évidemment, puisque l'imprimerie n'a été inventée que près de vingt siècles après sa mort ! Les textes mis à la disposition du public lettré étaient le plus souvent écrits sur des rouleaux de papyrus, en colonnes, et le lecteur déroulait le rouleau pour passer d'une colonne à l'autre, puis rembobinait le tout quand il avait fini sa lecture, pour repositionner le rouleau au début de l'ouvrage.

Mais ceci n'est qu'une partie des différences qui pouvaient exister entre les "livres" de l'époque de Platon et les nôtres. Une différence encore plus perturbante est que, de son temps, on ne connaissait pas encore les signes de ponctuation, les accents et les esprits qui furent ensuite ajoutés au grec, et la différence entre lettres majuscules et lettres miniscules. Et, pour tout arranger, on ne laissait pas d'espaces entre les mots ! Bref, sur le rouleau de papyrus, on trouvait une suite ininterrompue de lettres majuscules, sans ponctuation et sans passage à la ligne en cas de changement d'interlocuteur dans un dialogue. Un texte de Platon ressemblait donc à quelque chose comme ça :

Cette image n'est pas la photo d'un papyrus du temps de Platon, mais une reconstruction faite par moi pour donner une idée de ce que voyait un lecteur du temps de Platon. Le graphisme des lettres n'est probablement pas exactement celui qui avait cours en son temps, puisque j'ai utilisé pour ma reconstruction une des polices grecques utilisées sur le site Perseus, et la longueur et la largeur des colonnes n'est peut-être pas celle qui aurait été utilisée à l'époque, mais l'impression d'ensemble est la même, et cet exemple permet de se rendre compte de la difficulté que la lecture présentait pour les contemporains de Platon.

On comprend aussi comment une telle présentation pouvait donner lieu à des erreurs d'interprétation, si l'on ne coupait pas les mots au bon endroit, et si l'on confondait deux mots de même graphie qui ne pouvaient se distinguer que par les accents et les esprits, non encore inventés (mais qui le furent justement pour traduire des différences de prononciation reconnaissables à l'oral). Notez d'ailleurs que c'est à peu près exactement ce que nous faisons tous les jours lorsque nous interprétons un discour oral, puisque, quand nous écoutons quelqu'un parler, il n'y a ni accents, ni signes de ponctuation, ni "espaces" entre les mots. La seule différence avec un texte écrit comme ci-dessus est que la personne qui parle module sa voix et peut insérer des silences pour aider à la compréhension.

Le texte pris ici comme exemple est celui de l'analogie de la ligne, République, VI, 509d-511e. En graphie moderne, voici à quoi il ressemble :

Et en voici la transcription en alphabet latin, pour ceux qui ne lisent pas le grec :

[509d] Noèson toinun, èn d' egô, hôsper legomen, duo autô einai, kai basileuein to men noètou genous te kai topou, to d' au horatou, hina mè ouranou eipôn doxô soi sophizesthai peri to onoma. All' oun echeis tauta ditta eidè, horaton, noèton;
Echô.
Hôsper toinun grammèn dicha tetmèmenèn labôn anisa tmèmata, palin temne hekateron to tmèma ana ton auton logon
, to te tou horômenou genous kai to tou nooumenou, kai soi estai saphèneiai kai asapheiai pros allèla en men tôi horômenôi [509e] to men heteron tmèma eikones--legô de tas eikonas prôton [510a] men tas skias, epeita ta en tois hudasi phantasmata kai en tois hosa pukna te kai leia kai phana sunestèken, kai pan to toiouton, ei katanoeis.
Alla katanoô
.
To toinun heteron tithei hôi touto eoiken, ta te peri hèmas zôis kai pan to phuteuton kai to skeuaston holon genos
.
Tithèmi, ephè.
È kai ethelois an auto phanai, èn d' egô, dièirèsthai alètheiai te kai mè, hôs to doxaston
pros to gnôston, houtô to homoiôthen pros to hôi hômoiôthè;
[510b] Egôg', ephè, kai mala.
Skopei dè au kai tèn tou noètou
tomèn hèi tmèteon.
Pèi;
Hèi to men autou tois tote mimètheisin hôs eikosin
chrômenè psuchè zètein anankazetai ex hupotheseôn, ouk ep' archèn poreuomenè all' epi teleutèn, to d' au heteron--to ep' archèn anupotheton--ex hupotheseôs iousa kai aneu tôn peri ekeino eikonôn, autois eidesi di' autôn tèn methodon poioumenè.
Taut', ephè, ha legeis, ouch hikanôs emathon
.
[510c] All' authis, èn d' egô: rhaion gar toutôn proeirèmenôn mathèsèi. Oimai gar se eidenai hoti hoi peri tas geômetrias te kai logismous kai ta toiauta pragmateuomenoi, hupothemenoi to te peritton kai to artion kai ta schèmata kai gôniôn tritta eidè kai alla toutôn adelpha kath' hekastèn methodon, tauta men hôs eidotes, poièsamenoi hupotheseis auta, oudena logon oute hautois oute allois eti axiousi peri autôn didonai [510d] hôs panti phanerôn, ek toutôn d' archomenoi ta loipa èdè diexiontes teleutôsin homologoumenôs epi touto hou an epi skepsin hormèsôsi.
Panu men oun, ephè, touto ge oida
.
Oukoun kai hoti tois horômenois
eidesi proschrôntai kai tous logous peri autôn poiountai, ou peri toutôn dianooumenoi, all' ekeinôn peri hois tauta eoike, tou tetragônou autou heneka tous logous poioumenoi kai diametrou autès, all' ou [510e] tautès hèn graphousin, kai talla houtôs, auta men tauta ha plattousin te kai graphousin, hôn kai skiai kai en hudasin eikones eisin, toutois men hôs eikosin au chrômenoi, zètountes [511a] de auta ekeina idein ha ouk an allôs idoi tis è tèi dianoiai.
Alèthè, ephè, legeis.
Touto toinun noèton
men to eidos elegon, hupothesesi d' anankazomenèn psuchèn chrèsthai peri tèn zètèsin autou, ouk ep' archèn iousan, hôs ou dunamenèn tôn hupotheseôn anôterô ekbainein, eikosi de chrômenèn autois tois hupo tôn katô apeikastheisin kai ekeinois pros ekeina hôs enargesi dedoxasmenois te kai tetimèmenois.
[511b] Manthanô, ephè, hoti to hupo tais geômetriais te kai tais tautès adelphais technais legeis.
To toinun heteron manthane
tmèma tou noètou legonta me touto hou autos ho logos haptetai tèi tou dialegesthai dunamei, tas hupotheseis poioumenos ouk archas alla tôi onti hupotheseis, hoion epibaseis te kai hormas, hina mechri tou anupothetou epi tèn tou pantos archèn iôn, hapsamenos autès, palin au echomenos tôn ekeinès echomenôn, houtôs epi teleutèn katabainèi, [511c] aisthètôi pantapasin oudeni proschrômenos, all' eidesin autois di' autôn eis auta, kai teleutai eis eidè.
Manthanô, ephè, hikanôs men ou--dokeis gar moi suchnon ergon legein--hoti mentoi boulei diorizein saphesteron einai to hupo tès tou dialegesthai epistèmès tou ontos te kai noètou theôroumenon è to hupo tôn technôn kaloumenôn, hais hai hupotheseis archai kai dianoiai men anankazontai alla mè aisthèsesin auta theasthai hoi theômenoi, dia de to mè ep' archèn
[511d] anelthontes skopein all' ex hupotheseôn, noun ouk ischein peri auta dokousi soi, kaitoi noètôn ontôn meta archès. dianoian de kalein moi dokeis tèn tôn geômetrikôn te kai tèn tôn toioutôn hexin all' ou noun, hôs metaxu ti doxès te kai nou tèn dianoian ousan.
Hikanôtata, èn d' egô, apedexô. kai moi epi tois tettarsi tmèmasi tettara tauta pathèmata en tèi psuchèi gignomena labe, noèsin men epi tôi anôtatô, dianoian
[511e] de epi tôi deuterôi, tôi tritôi de pistin apodos kai tôi teleutaiôi eikasian, kai taxon auta ana logon, hôsper eph' hois estin alètheias metechei, houtô tauta saphèneias hègèsamenos metechein.
Manthanô, ephè, kai sunchôrô kai tattô hôs legeis.

Une traduction en français de ce texte par mes soins est disponible sur ce site. Pour y avoir accès, cliquez ici.


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Première publication le 16 septembre 2001 ; dernière mise à jour le 30 septembre 2001
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