© 1999 Bernard SUZANNE Dernière mise à jour le 6 juin 2009
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Gorgias
(2ème tétralogie : Les Sophistes - 3ème dialogue de la trilogie)

Le discours introductif de Calliclès
et la réponse de Socrate

Gorgias, 481b6-488b1
(Traduction (1) Bernard SUZANNE, © 1999)

CALLICLÈS -- [481b] (2) Dis-moi, Chéréphon, Socrate dit-il cela sérieusement, ou plaisante-t-il ?

CHÉRÉPHON -- A moi, Calliclès, il me paraît tout ce qu'il y a de plus sérieux, mais le mieux est de le lui demander.

CALLICLÈS -- Par les dieux, mais c'est mon plus vif désir ! (3) Dis-moi, Socrate, [481c] devons-nous donc admettre que tu parles sérieusement ou que tu plaisantes ? Car si tu parles sérieusement et si par hasard il se trouve que ce que tu dis est vrai, n'est-ce pas que notre vie à nous autres hommes risque d'en être chamboulée, et que nous faisons, à ce qu'il me semble, en tout le contraire de ce qu'il faudrait ?

SOCRATE -- Calliclès, si ce que ressentent les hommes, les uns ceci, les autres cela, n'était pas identique pour tous, mais si le ressenti que chacun de nous éprouve était distinct de celui des autres, il ne serait pas facile [481d] d'expliquer à autrui son propre ressenti. Je dis cela parce que j'ai dans l'idée qu'il se trouve que toi et moi ressentons en ce moment la même chose, chacun de nous deux aimant deux êtres, moi, Alcibiade, fils de Clinias, et la philosophie, et toi, le Dèmos (4) athénien et celui qui est fils de Pyrilampe.
Or, je m'aperçois qu'en toute occasion, aussi merveilleusement doué sois-tu, quoi que dise ton favori, et de quelque manière qu'il prétende se comporter, tu n'as pas la force de le contredire, mais tu te fais ballotter de ci
[481e] de là ; ainsi, dans l'assemblée, si, après que tu aies parlé, le "dèmos" (4) athénien n'est pas d'accord avec toi, tu changes d'avis pour parler comme il veut, et, vis à vis de ce beau jeune homme, le fils de Pyrilampe, tu ressent la même chose. C'est que tu n'es pas capable de t'opposer aux desseins et aux dires de tes favoris, en sorte que, si quelqu'un s'étonnait de l'étrangeté de ce que tu dis à chaque fois que tu t'adresses à eux, tu lui dirais vraisemblablement, si tu décidais de dire la vérité, que, si l'on ne met fin à [482a] ces discours de tes favoris, jamais tu ne pourras t'empêcher de parler ainsi.
Crois donc bien que, de ma part aussi, il faut que tu entendes ces autres choses, et ne t'étonnes pas que je parle ainsi, mais fais en sorte que la philosophie, ma favorite, cesse de parler ainsi. Elle parle en effet, mon cher ami, toujours comme tu m'entends le faire maintenant, et elle est beaucoup moins inconstante que mon autre favori ; car le fils de Clinias, lui, dit tantôt une chose, tantôt une autre, alors que la philosophie dit toujours
[482b] les mêmes : elle dit ces choses dont tu t'étonnes maintenant, et tu étais à l'instant même en personne en présence de ses discours. Ou bien donc convaincs-la, comme je viens de le dire, que le fait de commettre l'injustice, et, l'ayant commise, de ne pas se livrer à la justice, n'est pas le comble de tous les maux ; ou bien, si tu laisses cela non réfuté, par le chien, dieu des égyptiens, Calliclès, ô Calliclès, ne tiendra pas les mêmes discours que lui-même, mais sonnera faux dans toute sa vie. Et en vérité, il me semble à moi, très cher, qu'il est préférable pour moi que ma lyre soit privée d'harmonie et qu'elle sonne faux, ou encore le chœur dont je serais le chorège, [482c] ou encore que la plupart des hommes ne tiennent pas les mêmes discours que moi mais me contredisent, plutôt que, étant seul, d'être incapable de sonner juste avec moi-même et me contredire. (5)

CALLICLÈS -- Socrate, tu sembles déployer dans tes discours une ardeur juvénile digne en vérité d'un démagogue ; et en ce moment, tu verses dans la démagogie parce que Pôlos a subi précisément ce même accident qu'il accusait Gorgias d'avoir subi par ton fait. Il a dit en effet que Gorgias, interrogé alors par toi sur le fait de savoir si, à quelqu'un qui viendrait le trouver sans savoir ce qui est juste, avec la volonté [482d] d'apprendre la rhétorique, Gorgias le lui enseignerait, il avait eu honte et avait dit qu'il le lui enseignerait, par égard pour l'usage des hommes, qui s'indigneraient si l'on ne parlait pas ainsi ; et c'est à cause de cet assentiment qu'il s'est trouvé dans la nécessité de se contredire, pour ton plus grand plaisir. Et il a ri de toi, et cela, à ce qu'il me semble, à juste titre.
Mais maintenant, à son tour, il a lui-même subi ce même sort, et, quant à moi, je n'admire pas Pôlos d'être tombé d'accord avec toi qu'agir injustement était plus laid qu'être traité injustement ; car c'est à partir
[482e] de cet assentiment que tu l'as lui-même à son tour muselé après l'avoir empêtré dans tes raisonnements (6), puisqu'il avait eu honte de dire ce qu'il pense. Car c'est toi, en réalité, Socrate, qui aboutis à ces considérations insupportables et démagogiques, tout en prétendant courir après la vérité, sur ces choses qui ne sont pas belles selon la nature, mais le sont selon la loi. (7)
C'est que, dans la plupart des cas, elles sont contraires l'une à l'autre, la nature et la loi ; si donc, quelqu'un a honte,
[483a] et n'a pas le courage de dire ce qu'il pense effectivement, il en viendra nécessairement à se contredire. Mais toi donc, ici présent, ayant pris conscience de cette astuce, tu en abuses malhonnêtement dans les discussions, si quelqu'un parle selon la loi, en interrogeant insidieusement selon la nature, s'il parle de la nature, en interrogeant sur la loi.
C'est ainsi que, par exemple, sur les sujets dont il était question, agir injustement et être traité injustement, où Pôlos parlait du plus laid selon la loi, tu repoussais la loi au nom de la nature. Par nature en effet, le plus laid est toujours aussi cela même qui est plus mauvais, le fait d'être traité injustement, alors qu'au regard de la loi, c'est le fait d'agir injustement. Ce n'est même pas
[483b] le fait d'un homme que de souffrir d'être traité injustement, mais d'un quelconque esclave, pour lequel mieux vaut mourir que vivre, lui qui n'est pas seulement en mesure de porter secours à lui-même ou à l'un de ceux dont il a la charge, s'il était traité injustement et insulté. Mais, me semble-t-il, ceux qui instituent les lois sont les hommes faibles et la multitude. C'est donc par rapport à eux et à leur intérêt que sont instituées les lois et qu'ils distribuent éloges [483c] et blâmes ; et, pour effrayer les hommes les plus forts et les plus capables d'avoir une plus grosse part, de peur qu'ils n'aient effectivement une plus grosse part qu'eux, ils disent que chercher à avoir plus est laid et injuste, et que c'est cela agir injustement, chercher à avoir plus que les autres ; c'est qu'ils se satisfont quant à eux, me semble-t-il, d'avoir part égale alors qu'ils sont inférieurs.
C'est donc pour ces raisons que cela est déclaré par la loi injuste et laid, vouloir avoir plus que le grand nombre, et qu'on appelle ça agir injustement ; et pourtant, c'est au contraire, me semble-t-il, la nature elle-même qui démontre
[483d] cela : qu'il est juste que le meilleur ait plus que le plus faible et le plus puissant que le plus impuissant. Elle manifeste en de nombreuses circonstances qu'il en est bien ainsi, tant dans les autres êtres vivants que dans toutes les cités et les races des hommes, et que le juste est ainsi déterminé, par le fait que le plus puissant commande au plus faible et a un plus grande part. Car sur quelle conception du juste se fondait donc Xerxès pour faire campagne contre la Grèce, ou son père contre les Scythes ? Et [483e] l'on pourrait citer d'innombrables exemples similaires. Mais, me semble-t-il, ces gens-là ont fait ce qu'ils ont fait selon la nature du juste et, par Zeus, selon la loi de la nature, et donc probablement pas selon celle instituée par nous ; façonnant les meilleurs et les plus forts d'entre nous, les prenant dès leur plus jeune âge, comme on le ferait de lions, les ensorcelant par nos sortilèges et les envoûtant par nos incantations, nous nous les asservissons [484a] en leur répétant qu'il faut que chacun soit égal aux autres, et que c'est cela le beau et le juste. Mais que naisse un homme doué d'une nature suffisamment puissante, alors, se débarrassant de toutes ces entraves d'une secousse, les mettant en pièces et les fuyant, foulant aux pieds nos écrits, nos sortilèges, nos incantations et nos lois toutes sans exception contre nature, et s'élevant au dessus de nous, voilà que l'esclave se révèle notre maître, et alors [484b] éclate en pleine lumière le juste selon la nature !
Et, selon mon opinion, Pindare a exprimé cela même que je dis, dans le chant où il dit que

La loi, reine de toutes choses,
Mortelles aussi bien qu'immortelles...

euh ! celle-ci, dit-il,

Conduit à faire violence à ce qu'il y a de plus juste
De sa main qui domine tout ; j'en veux pour preuve
Les œuvres d'Héraclès, puisque, sans les avoir achetés... (8)

ou quelque chose comme ça, car je ne connais pas le chant par cœur : il dit en substance que, sans qu'il les ait achetés ni qu'ils lui aient été donnés, il a emmené pour lui les bœufs de Géryon, [484c] parce que tel est le juste selon la nature, que les bœufs et tous les biens des plus mauvais et des plus faibles sont pour les meilleurs et les plus forts !
Tel est en effet le vrai, comme tu le comprendras si tu en viens à de plus nobles choses en abandonnant à partir de maintenant la philosophie. Car la philosophie, Socrate, te donne du plaisir si tu t'y attaches avec mesure dans ta jeunesse ; mais si l'on s'y emploie plus qu'il ne convient, c'est la ruine des hommes. Et si quelqu'un, d'aussi bonne nature soit-il, continue de philosopher jusqu'à un âge avancé, c'est une nécessité qu'il devienne d'une nullité infinie en toutes choses
[484d] dont l'homme destiné à être bel et bon et de bonne réputation doit avoir l'expérience. Car on devient ainsi complètement ignorant des lois qui sont celles de la cité (9), et des discours dont il faut user lorsqu'on fréquente les assemblées des hommes, tant privées que publiques, des plaisirs et des désirs humains, et, en un mot, on devient totalement ignorant des usages. Et alors, lorsqu'on se trouve impliqué dans quelque affaire privée ou politique, [484e] on devient la risée de tous, tout comme sont risibles, me semble-t-il, les hommes politiques, lorsqu'ils viennent se frotter à vous et à vos raisonnements.
Les choses se passent en effet selon le dit d'Euripide :
chacun brille en cela, et s'empresse vers cela,

Occupant la plus grande partie du jour à cela
En quoi il se trouve être capable de se surpasser ; (10) [485a]

par contre, ce en quoi on est inférieur, on le fuit et on le dénigre, alors qu'on loue l'autre, par bienveillance à l'égard de soi-même, pensant ainsi se louer soi-même. Mais, me semble-t-il, le plus correct est d'avoir part aux deux ; il est beau certes, d'avoir part à la philosophie aussi longtemps qu'elle favorise l'éducation, et philosopher n'est pas honteux pour un adolescent. Mais lorsque l'homme plus âgé philosophe encore, Socrate, la chose devient risible et, quant à moi, [485b] j'éprouve à l'égard de ceux qui philosophent quelque chose de tout à fait semblable à ce que j'éprouve à l'égard de ceux qui zozotent et s'amusent comme des gosses. En effet, autant, quand je vois un bambin à qui il convient encore de s'exprimer ainsi, zozoter et s'amuser, j'y prends plaisir, et cela me paraît de bon ton, digne d'un homme libre et convenant à l'âge du bambin, autant, quand j'entends un jeune enfant s'exprimer clairement, ça me paraît avoir quelque chose d'odieux, ça importune mes oreilles et me paraît le fait d'un esclave ; autant encore, quand [485c] on entends un homme zozoter ou qu'on le voit s'amuser comme un gosse, ça paraît risible, indigne d'un homme et digne de coups de fouet.
Et c'est exactement ce que, pour ma part, j'éprouve à l'égard de ceux qui philosophent. De la part d'un jeune adolescent, j'apprécie certes qu'il s'occupe de philosophie, cela me paraît convenir et je considère qu'un tel homme est un homme libre, alors que celui qui ne philosophe pas n'est pas un homme libre et ne se jugera jamais digne de quoi que ce soit de beau et de
[485d] noble ; mais quand je vois un homme d'âge encore en train de philosopher sans fin, un tel homme, Socrate, me paraît alors mériter des coups de fouet. Car, comme je le disais tout à l'heure, il en résulte pour cet homme, d'aussi bonne nature soit-il, qu'il deviendra indigne d'être appelé un homme, fuyant les centres des villes et les places publiques, dans lesquelles le poète dit que  « les hommes deviennent illustres » (11), terré pour vivre le reste de sa vie en marmonnant dans un coin au milieu de trois ou [485e] quatre adolescents, sans jamais faire entendre une parole libre, grande et pertinente.
Moi du moins, Socrate, je me comporte à ton égard d'une manière tout à fait amicale ; je risque donc d'éprouver maintenant la même chose que Zéthos pour l'Amphion d'Euripide
(10), que j'évoquais à l'instant. Et en effet, il me vient l'envie de te dire les mêmes choses que celui-là disait à son frère, que « tu laisses sans soins », Socrate, ce dont il faut que tu prennes soin, que tu pervertis « la nature si noble de ton âme [486a]par un dehors puéril », que, dans les assemblées de justice, tu ne saurais prononcer correctement un discours, ni atteindre au vraisemblable et au persuasif, ni « prendre une décision énergique dans l'intérêt de quelqu'un d'autre ». Mais quoi ! mon cher Socrate, -- et ne sois pas irrité contre moi, je te parle par bienveillance -- ne te paraît-il pas honteux d'être tel qu'il me semble que tu es, toi et tous les autres qui poussent toujours plus avant la philosophie.
Car maintenant, si, t'ayant arrêté, toi ou un autre de tes semblables, on te jetait en prison en disant que tu as commis une injustice alors que tu n'en a commis aucune, tu sais bien que tu serais incapable
[486b] de prendre tes affaires en main, mais serais bien plutôt pris de vertige et demeurerais bouche bée, ne sachant que dire, puis, amené au tribunal et confronté à un accusateur tout à fait malveillant et odieux, tu serais condamné à mort pour peu qu'il lui prenne l'envie de réclamer ta mort. (12) Mais « en quoi diable est-ce sage », Socrate, « une technique qui, prenant quelqu'un doué d'une bonne nature, produit un homme pire », impuissant à se porter secours à lui-même ou à se sauver lui-même, ou qui que ce soit d'autre, des plus grands périls, comme d'être [486c] dépouillé par ses ennemis de tout ce qui fait son être, une vie tout à fait dénuée d'honneurs dans la cité ?
Mais, mon cher, laisse-moi te persuader de
« mettre fin à ces réfutations, cultive une harmonieuse connaissance des affaires », et cultive tout ce qui « te donnera l'air d'être dans ton bon sens », « laissant à d'autres ces subtilités » dont il faut bien avouer que ce ne sont que sottises ou niaiseries, « grâce auxquelles tu habiteras des maisons vides » ; ne cherche pas à imiter les hommes qui argumentent sur des broutilles, [486d] mais ceux qui ont de quoi vivre, une solide réputation et toutes sortes de bonnes choses.

SOCRATE -- Si par chance, il se trouvait que l'âme fût d'or, Calliclès, ne penses-tu pas que je serais content de trouver une de ces pierres avec lesquelles on éprouve l'or, la meilleure, de laquelle je pusse l'approcher, en sorte que, si elle était d'accord avec moi que mon âme avait été bien soignée, je saurais bien que j'ai assez et qu'il ne me faut aucune autre épreuve ?

CALLICLÈS -- [486e] Vers quoi tend cette question, Socrate ?

SOCRATE -- Je vais te le dire. Je crois justement, en t'ayant trouvé sur mon chemin, avoir trouvé ce don du ciel.

CALLICLÈS -- Quoi donc ?

SOCRATE -- Je sais bien que, pour peu que tu tombes d'accord avec moi sur quelque chose que pense mon âme, ce sera dès lors la vérité. Car j'ai dans l'esprit [487a] que, pour être en mesure d'éprouver convenablement si une âme vit droitement ou non, il faut en effet avoir trois choses, que tu as toutes trois : la science, la bienveillance et le franc-parler. Il m'arrive de rencontrer beaucoup de gens qui ne sont pas en mesure de m'éprouver, faute d'être sages comme toi ; d'autres sont sages, mais ne veulent pas me dire la vérité, parce qu'ils ne se soucient pas de moi comme toi ; quant à ces deux étrangers-là, Gorgias et Pôlos, ils sont sages et [487b] ont de l'amitié pour moi, mais ont un moindre franc-parler et sont plus timides qu'il ne convient. Comment n'en serait-il pas ainsi ? Eux qui poussent la timidité au point que, du fait qu'ils ont honte, ils ont l'un et l'autre l'audace de se contredire devant de nombreuses personnes, et cela sur les sujets les plus importants !
Mais toi, tu as toutes ces choses que les autres n'ont pas : tu as été éduqué convenablement, comme pourraient l'affirmer nombre d'athéniens, et tu es bien disposé à mon égard.
[487c] Quelle preuve en ai-je ? Je vais te le dire. Je sais, Calliclès, que vous êtes quatre à vous être associés en vue de devenir sages : toi, Tisandre d'Aphidna, Andron, fils d'Androtion, et Nausicide de Cholarge. Or, un jour, je vous ai entendu délibérer entre vous sur la question de savoir jusqu'à quel point il faut s'exercer à la sagesse, et je sais qu'a prévalu parmi vous l'opinion qu'il ne fallait pas prendre à cœur de philosopher jusque dans les moindres détails, mais que [487d] vous vous êtes mutuellement recommandé de prendre garde qu'à devenir plus sages qu'il n'est séant, vous ne vous corrompiez sans vous en rendre compte. Aussi, quand je t'entends me donner les mêmes conseils qu'à tes meilleurs amis, ce m'est une preuve suffisante que tu es bien disposé à mon égard. Quant au fait que tu as ton franc-parler et ne cèdes pas à la honte, tu le dis toi-même, et le discours que tu viens de prononcer à l'instant le confirme.
Quoi qu'il en soit sur ces points, c'est maintenant clair :
[487e] si, dans nos discussions, tu tombes d'accord avec moi sur quelque chose, cela sera dès lors considéré entre toi et moi comme suffisamment examiné, et n'aura plus besoin de subir un autre examen. En effet, s'il t'arrivait de tomber d'accord avec moi, ce n'est ni par manque de sagesse, ni par excès de timidité, ni enfin pour me tromper que tu serais d'accord ; car tu es mon ami, comme tu l'affirmes toi-même. Notre accord à toi et à moi marquera dès lors la plénitude de la vérité.
Or, de toutes, l'investigation la plus belle, Calliclès, est celle qui concerne ce sur quoi tu m'as adressé des reproches : que doit être l'homme, à quoi
[488a] doit-il s'appliquer, et jusqu'où, dans sa vieillesse aussi bien que dans sa jeunesse ? Moi donc, si je fais quelque chose qui ne soit pas conforme au droit dans le cours de ma propre vie, sois sûr que ce n'est pas volontairement que je commets une faute, mais du fait de mon ignorance. Aussi, toi, comme tu as commencé à me réprimander, ne te dérobe pas, mais montre-moi convenablement ce à quoi je dois m'appliquer et de quelle manière je puis l'acquérir, et, si tu parviens maintenant à me faire tomber d'accord avec toi, mais que plus tard je ne mets pas en pratique ce sur quoi j'étais d'accord, considère que je suis tout à fait lâche [488b] et ne me réprimande plus jamais à l'avenir, ne m'en jugeant nullement digne.


(1) Cette traduction, plus que l'élégance, a cherché la fidélité au texte grec. Chaque fois que possible, j'ai conservé l'ordre des mots grecs et essayé de traduire toutes les particules dont le grec est friand. (<==)

(2) Les références aux pages de l'édition Estienne sont celles fournies par l'édition des Platonis Opera, Oxford Classical Texts. Chaque référence fournit un lien vers le text grec correspondant au site Perseus. (<==)

(3) L'expression utilisée par Calliclès ici et traduite par « c'est mon plus vif désir » est epithumô, du verbe epithumein, désirer, un mot de la même famille que epithumiai, le terme utilisé par Platon dans la République et ailleurs pour désigner la partie de l'âme la plus en relation avec le corps et la « matière », désirs, passions, etc. (le mot est de fait au pluriel en grec). Dans ma lecture du Gorgias, Gorgias, Pôlos et Calliclès « jouent » les trois parties d'un « âme », l'âme de l'Athènes envoûtèe par la rhétorique. Gorgias, maître du discours (logos en grec) en est le logos (le mot grec, qui veut aussi dire « raison », est celui utilisé par Platon pour désigner la partie la plus noble et la plus divine de l'âme) ; Pôlos, dont le nom signifie « jeune cheval, poulain », en est le thumos fougueux (la partie « ardente », qui manifeste la volonté), et Calliclès, comme il le suggère dès ses premiers mots, les epithumiai. Et de fait, une analyse plus approfondie des thèmes et du vocabulaire des trois conversations successives de Socrate avec Gorgias, puis Pôlos, puis Calliclès, confirme que la première porte sur les ambiguïtés du logos (dans tous les sens du terme grec si riche de sens multiples), la seconde sur les illusions de la volonté, et la troisième sur l'ambition des désirs effrénés. (<==)

(4) Platon joue ici sur le mot dèmos, qui veut dire en grec « peuple » (c'est le mot qu'on retrouve à la racine de mots comme « démocratie », le « pouvoir du peuple »), mais qui est aussi un nom de personne, ici celui de l'aimé du moment de Calliclès (la plupart des noms propres grecs sont en fait composés à partir de nom communs et ont donc une signification sous-jacente : ainsi par exemple, le nom « Calliclès » vient de kallos, « beauté », tant physique que morale, et kleos, « bruit qui se répand, renommée, gloire »--qu'on retrouve dans le nom de Périclès--, et peut signifier « renommé pour sa beauté », ou encore, « qui passe pour beau »). (<==)

(5) Ce dernier passage multiplie les images inspirées de la musique et de l'harmonie : outre le fait qu'il faut soi homologein, « tenir les mêmes discours que soi-même », c'est-à-dire être cohérent avec soi-même dans ses discours, et non pas enantia legein, dire des choses contradictoires, se contredire, il faut encore éviter de diaphônein, sonner faux, d'être anarmoston, privé d'harmonie, discordant, ou encore asumphônon, incapable de sonner juste, d'être en « symphonie » avec soi-même. Et les exemples cités sont ceux de la lyre et du chœur. Ces analogies musicales, que beaucoup attribuent à une influence pythagoricienne sur Platon, et cet accent mis sur l'harmonie, sont centraux dans la pensée de Platon. On peut dire que tout l'effort de la République consiste à redéfinir la justice comme l'accord, l'harmonie intérieure, de l'âme tripartite avec elle-même (dimension « psychologique » du dialogue) comme fondement de l'harmonie avec autrui dans la cité (dimension « politique » du dialogue). Et l'on peut voir dans la justice ainsi redéfinie l'« idée/idéal » de l'homme selon Platon/Socrate, qui n'a rien à voir avec la « Forme » de l'homme qu'Aristote cherchait en vain dans une imagerie par trop « matérialiste » pour mieux la critiquer ensuite. (<==)

(6) Calliclés se moque ici de Pôlos, dont le nom signifie « poulain », en utilisant un vocabulaire « hippique » : Socrate l'a « muselé » (le verbe utilisé est epistomizein, qui veut dire étymologiquement « mettre quelque chose sur la bouche », d'ou « brider, museler (un cheval) ») aprés l'avoir « empêtré » dans ses discours (le verbe est sumpodizein, c'est-à-dire étymologiquement « lier les pieds ensemble », d'ou « entraver, empêtrer, prendre au piège »). (<==)

(7) L'opposition entre loi (nomos) et nature (phusis) était un lieu commun de la sophistique du temps de Socrate. Platon la combat à travers ses dialogues en suggérant que la raison (logos) est la nature même de l'homme (Aristote dira, s'inspirant sans doute ici comme en bien d'autres endroits de son maître Platon pour enfermer dans des formules concises ce que celui-ci ne faisait que suggérer, que « l'homme est un animal raisonnable/rationel/doué de raison (logikos) ») et que la loi qui met de l'ordre dans la cité où il vit en tant qu'« animal politique », est la plus pure manifestation de sa raison, c'est-à-dire de sa « nature » propre (voir note 8). (<==)

(8) Fragment d'un poème perdu de Pindare (Fragments d'origine incertaine, n° 49, dans le vol. IV, Isthmiques, Fragments, de l'édition des œuvres complètes de Pindare par Aimé Puech, édition Budé, Paris, 1961).
Cette citation pose un problème de critique textuelle qui n'est pas sans impact sur l'interprétation du texte : le troisième vers cité par Calliclès (premier vers après l'hésitation) figure dans les manuscrits du Gorgias sous la forme :

"Nomos...
agei biaiôn to dikaiotaton (la loi... conduit à faire violence à ce qu'il y a de plus juste)"

alors qu'une autre citation du même vers par Ælius Aristide donne :

"Nomos...
agei dikaiôn to biaiotaton (la loi... conduit à regarder comme juste ce qu'il y a de plus violent)"

texte confirmée par Platon lui-même dans une allusion à ce même vers en style indirect en Lois, IV, 715a, où l'on lit : ephamen pou kata phusin ton Pindaron agein dikaiounta to biaiotaton, ôs phanai (nous disions, je crois, qu'il [le principe énoncé quelques lignes plus haut selon lequel, pour certains, « la définition naturelle du juste (ton phusei horon tou dikaiou) » est « l'intérêt du plus fort (to tou kreittonos sumpheron) » (Lois, IV, 714c)] conduit Pindare à regarder comme juste selon la nature ce qu'il y a de plus violent, selon ses propres termes".
Les éditeurs du texte se sentent obligés d'amender le texte des manuscrits pour mettre la citation en conformité avec les autres versions qui nous en ont été conservées. Il me semble pourtant qu'il y a une autre option, beaucoup plus simple et plus en cohérence avec le contexte, qui ne nécessite pas d'amender les manuscrits unanimes : c'est de supposer que Platon a délibérément fait modifier le texte de Pindare par Calliclès !... En d'autres termes, c'est en faisant violence (biaiôn) au texte qu'il prétend citer que Calliclès essaye de justifier (dikaiôn) sa position, mettant ainsi en pratique dans les discours ce qu'il prône de faire dans l'action !...
En effet, regardons de plus près ce que dit le texte de Pindare tel qu'il est cité dans les Lois, où nous n'avons aucune raison de mettre en doute la bonne foi de l'Athénien et de ses compagnons de route. Le contexte dans lequel il est cité est celui de l'examen des différentes sources possibles de l'autorité et de la loi, en vue de choisir le régime de la cité qu'il est question de fonder. Une première allusion au poème de Pindare est faite en Lois, III, 690b, où, dans le cours d'une analyse des leçons de l'histoire passée, l'Athénien énumère les différentes sources d'autorité : parents sur enfants, nobles sur roturiers, anciens sur jeunes, maîtres sur esclaves, pour en venir en cinquième position à l'autorité des forts sur les faibles, qui amène la remarque qu'elle est « la plus répandue parmi tous les vivants et selon la nature, comme l'a dit jadis Pindare le Thébain » (c'est à cette remarque que renvoie le « nous disions » qui ouvre la citation du livre IV mentionnée ci-dessus). Une sixième source d'autorité est ensuite mentionnée, celle de ceux qui savent sur ceux qui sont ignorants, et l'Athénien précise qu'une telle loi, acceptée et non pas imposée par la force, loin d'être contre nature (para phusin), est parfaitement naturelle (kata phusin).
La citation plus précise de Lois, IV que nous avons traduite ci-dessus et qui, comme nous venons de le dire, renvoie à cette première allusion, prend place dans une discussion sur le choix du régime politique qui devra être celui de la cité à fonder. Elle vient après un résumé du mythe de l'âge d'or de Cronos et une mention des partisans du « retour à la nature », derrière lesquels se cachent ceux qui prônent la loi du plus fort, présentée par eux comme « la définition naturelle du juste (ton phusei horon tou dikaiou) ».
Ainsi, l'Athénien, loin d'opposer loi et nature, s'intéresse aux différentes formes de « lois » qui peuvent régir les vivants quels qu'ils soient, que ces lois soient subies ou acceptées, ignorées par ceux qui les subissent ou connues d'eux. Le monde créé est en effet régi par des lois qui y mettent de l'ordre (kosmos en grec), et les lois que peuvent se donner les hommes pour régir leurs cités en prenant modèle sur le « démiurge » créateur (voir le Timée), ne sont que des prolongements des lois de la nature qui s'imposent à tous. La distinction pertinente n'est donc pas celle entre loi et nature, mais celle entre loi subie et loi accepté : tous les êtres créés subissent des lois que, sauf les hommes, ils ne comprennent pas ; seul l'homme peut, non seulement comprendre les lois « naturelles » qu'il subit, mais ajouter à ces lois celles que sa raison (ou sa déraison) lui dicte. On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas d'être né noble ou roturier, maître ou esclave, on ne choisit pas d'être jeune ou vieux, fort ou faible, mais chacun peut choisir de reconnaître la compétence des autres dans tel ou tel domaine, et d'accepter librement la « loi » qu'impose sa compétence. On le fait sans difficulté quand il s'agit de faire appel au cordonnier pour une paire de chaussures, ou au médecin quand on est malade, alors pourquoi pas quand il s'agit d'organiser la vie de la cité ? Ce n'est là que suivre notre « nature » qui est d'être des animaux doués de raison...
Le texte de Pindare est cité par l'Athénien pour appuyer sa thèse que c'est bien une loi (nomos, premier mot du passage cité de manière plus complète par Calliclès) de la nature que celle qui fait que le fort impose sa conception de la « justice » au faible. Mais Calliclès, soumis sans qu'il s'en rende compte à des passions (epithumiai) auxquelles il ne veut imposer aucun frein, aucune « loi », n'entre pas dans de telles subtilités ! Ce n'est pas lui qui, comme le fait l'Athénien, analyserait longuement l'histoire Perse depuis Cyrus jusqu'à Xerxès et aux guerres Médiques (cf. Lois, III, 694a-698a) pour en tirer des leçons. Il lui suffit à lui de mentionner en passant le seul nom de Xerxès (484d) pour entirer les conclusions qui l'arrangent ! Toute son argumentation repose sur une opposition tranchée entre loi et nature, la « nature du juste (tèn phusin tou dikaiou) » étant que le fort domine le faible. Et s'il en vient, en invoquant Zeus, à parler de « loi de la nature (ton nomon tès phuseôs) » opposée aux lois « contre nature (para phusin) » édictées par les hommes, la loi tout court reste pour lui la bête noire.
C'est pourquoi, lorsqu'il entreprend d'appeler Héraclès à la rescousse en citant, pour faire étalage de culture, un texte de Pindare, et que la loi (nomos) apparaît dès le premier mot, sans doute trahi, comme il le dit lui-même quelques vers plus loin, par sa mémoire, il livre, non sans quelques hésitations, un texte qui semble tout d'abord souligner le caractère contraigant (biaiôn) de la loi par rapport à ce qui est le plus juste (to dikaiotaton), sous-entendu, « selon la nature », c'est-à-dire le droit du plus fort à opprimer et exploiter les faibles. Mais de ce fait, l'histoire d'Héraclès qui suit, et qui, pour Pindare, est bien un exemple de la force imposant sa loi, perd son sens comme exemple de fort contraint par la loi, ce qu'appellerait le texte tel que modifié par Calliclès. Et c'est d'autant plus ridicule que l'histoire des bœufs de Géryon est bien un bon exemple de ce que veut dire Calliclès ! C'est pourquoi il s'emberlificote dans sa citation et prend prétexte de son manque de mémoire, d'autant plus crédible après ce qu'il vient de faire subir au texte, pour couper court à son étalage de culture et revenir au fait qui lui convient, l'histoire d'Héraclès racontée à sa manière... C'est donc un Calliclès faible dans son logos et trahi par sa mémoire qui vante les mérites de la « loi » du plus fort dans la discussion !
On voit sur cet exemple tout l'art subtil de Platon, qui utilise la « mise en scène » autant que les mots eux-mêmes pour « illustrer » ses débats, et comment cet art peut être perdu lorsqu'on confie à des spécialistes distincts le soin d'établir le texte d'une part, de l'expliquer d'autre part, et lorsque ceux qui l'expliquent ne voient dans le dialogue que des débats d'idées et dans la « mise en scène » que des « enjolivures » tout juste bonnes à agrémenter le travail des éudiants en grec mais qui distraient les « gens sérieux » de leur étude des « doctrines » philosophiques de Platon... (<==)

(9) Il est plaisant de voir Calliclès, qui vient de critiquer à l'envie les lois des cités, dont lui ne voudrait pas subir la contrainte, reprocher maintenant au philosophe son ignorance de ces lois que lui-même dédaigne ! Calliclès ne semble pas se rendre compte que toute la suite de son discours, où il prend appui sur des usages et une opinion publique qu'il vient de récuser, est en parfaite contradiction avec ce qui précède. Et, sans s'en rendre compte, il tombe ainsi dans le même travers que celui qu'il reprochait au début de son discours à Gorgias et à Pôlos. (<==)

(10) Ces vers, ainsi que la plupart des membres de phrases entre guillemets dans la dernière partie du discours de Calliclès, sont des extraits textuels ou approximatifs, reconstitués tant bien que mal par les spécialistes, d'une tragédie perdue d'Euripide, Antiope, qui mettait en scène les deux jumeaux qu'Antiope avait eus de Zeus. Alors que Zethos était un homme d'action, s'adonnant à la chasse, à l'élevage et à toutes sortes de travaux manuels, Amphion était un poète et un artiste, jouant de la lyre dont lui avait fait présent Hermès. Lorsque plus tard ils furent devenus rois de Thèbes, ils construisirent les remparts de la ville, et la légende veut que Zethos ait transporté les pierres nécessaires sur ses épaules, pendant qu'Amphion les faisait bouger au simple son de sa lyre. La pièce d'Euripide les montrait, semble-t-il, dans une scène célèbre, comparant les mérites respectifs de leur mode de vie à chacun. (<==)

(11) Allusion à un vers d'Homère, en Illiade, IX, 441. (<==)

(12) Cette « prophétie » à peine voilée du procès et de la condamnation à mort de Socrate se trouve presque exactement au milieu du dialogue : selon la pagination Estienne, le Gorgias va de 447a à 527e, ce qui situerait, si l'on suppose toutes les pages d'égale longueur, le milieu vers 487c, soit une page (sur 81) après cette remarque de Calliclès. Si l'on tient compte du fait que les grecs du temps de Platon écrivaient sans blancs entre les mots, sans signes de ponctuation et sans passage à la ligne aux changements d'interlocuteur, l'écart peut être imputé au caractère approximatif de ce genre de décompte.
En plaçant ainsi au cœur du dialogue une allusion au procès de Socrate, qui, dans la structuration des dialogues que je suggère, est le thème de la tétralogie suivante, dont le dialogue introductif, le Ménon, suit immédiatement le Gorgias et nous met en présence d'un autre élève de Gorgias en la personne de Ménon, Platon veut nous rappeler que la discussion en cours n'est pas une conversation de salon, mais que, comme se plaît à le rappeler plusieurs fois Socrate au fil du dialogue, il s'agit bien d'une question de vie ou de mort. Et ce que le Ménon qui suit le Gorgias nous permettra de comprendre, c'est que la « filiation » qui conduit de Gorgias à la condamnation à mort de Socrate n'est pas « directe » en ce que ce serait parce que ses accusateurs auraient été formés par Gorgias ou un de ses pairs qu'ils auraient pu venir à bout de Socrate et le faire condamner à mort (puisqu'on nous y présente un Anytos qui a les sophistes en horreur et se targue de ne les avoir jamais fréquentés, mais n'est même pas capable de reconnaître en Ménon un « élève » d'une de ses bêtes noires), mais passe par les conséquences politiques de son enseignement : Gorgias et les autres professeurs de rhétorique confortent la démocratie en permettant à leurs élèves de manipuler les foules à leur guise pour prendre le pouvoir, et la démocratie finit par permettre aux pareils d'Anytos de s'« acheter » une honorabilité et un rôle politique majeur dans lequel leur manque de discernement les conduira à faire les pires erreurs, comme de faire condamner un Socrate qui cherchait justement à combattre l'influence des sophistes et des rhéteurs et n'avait que le tort de converser avec eux (et aussi avec les hommes en vue et les politiciens de son temps) et de déclarer en public qu'il voulait apprendre d'eux ce que lui prétendait ne pas savoir mais qu'eux disaient enseigner, pour mieux les mettre ensuite en face de leurs incohérences et de leur ignorance. (<==)


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Première publication le18 avril 1999 ; dernière mise à jour le 6 juin 2009
© 1999 Bernard SUZANNE (cliquez sur le nom pour envoyer vos commentaires par courrier électronique)
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