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La république
(4ème tétralogie : L'âme - 2ème dialogue de la trilogie)

La (mal nommée en français) République est le plus important de tous les dialogues. Dialogue central de la trilogie centrale, elle constitue le centre logique de l'ensemble. Elle traite de l'âme, qui, comme nous le savons depuis le début, est l'homme (cf. Alcibiade, 130c), au niveau intermédiaire où elle est confrontée à des choix et doit décider de ce qu'elle veut devenir dans cette vie, et elle décrit la « justice » comme l'« idea/idée » ultime de l'Homme (anthrôpos), ou mieux, l'« idea/idéal » qu'il doit se fixer. Mais la justice telle que la conçoit le Socrate de Platon ne se limite pas à une vertu sociale concernant uniquement les relations entre les hommes, mais est une vertu englobante qui seule peut réconcilier esprit et matière, vie privée et vie publique, vie intérieure et vie sociale, et permettre à l'homme d'atteindre l'unité tant intérieure qu'extérieure, c'est-à-dire rend possible pour lui de construire son être propre (qui n'est pas donné d'avance, mais est le résultat de ses choix individuels, dans les limites des contraintes imposées par la « nécessité », comme nous le verrons dans le Timée) et d'accéder au bonheur véritable. C'est ce que suggère le titre grec du dialogue, Politeia, mais que fait perdre sa traduction en français par République, qui ne conserve que la dimension politique du titre. Politeia est en effet un substantif dérivé du nom politès, lui-même dérivé de polis, la « cité » (au sens qu'avait ce terme en Grèce au temps de Socrate et Platon, où il ne se limitait pas à une agglomération urbaine unique, mais incluait tout le territoire, urbain et rural, qui était contrôlé par les dirigeants de cette « cité » et soumis aux mêmes lois), c'est-à-dire, en actualisant ce terme, l'unité d'organisation de la vie sociale (qui serait plutôt de nos jours le pays ou l'État). Le politès (politai au pluriel), c’est l’habitant de la polis, le « citoyen », c’est-à-dire l’être humain (anthrôpos), homme ou femme, en tant qu’animal fait pour vivre en société (même si, à Athènes du temps de Platon, seuls les hommes étaient des « citoyens » à part entière, ce que justement Platon remet en cause dans la République). À partir de là, le mot politeia peut prendre tout un ensemble de sens dans des registres à la fois individuels et collectifs : ce peut être tout simplement la « citoyenneté » au sens strict, c’est-à-dire le simple fait pour une personne d’être un politès de telle ou telle cité (on parlerait plutôt de nos jours de « nationalité », la « nation » ayant remplacé la « cité » comme unité politique) ; ce peut être aussi l’ensemble des droits et devoirs qui sont ceux d’un politès ; ou encore le mode de vie qui sied à un politès ; mais aussi le rassemblement de tous les politai ; ou encore l’organisation de la polis qui définit les fonctions des différents politai, c’est-à-dire en fin de compte la « constitution » qui régit la cité et la vie des politai, à condition de donner à « constitution » un sens plus large que celui qu’il a aujourd’hui en y englobant tous le corpus législatif de la cité ; et en fin de compte, mais seulement tardivement et probablement pas avant Aristote, donc pas du temps de Platon, le mot peut désigner une forme particulière de gouvernement des politai correspondant effectivement à ce qu’on appelle aujourd’hui « république ». Le problème, c’est que, si Platon a choisi ce mot politeia comme titre de son dialogue, c’est précisément à cause de la multiplicité de ces sens, à la fois individuels et collectifs, et avec l’intention de n’en éliminer aucun, mais au contraire de faire prendre conscience à ses lecteurs des interdépendances qu’ils avaient les uns avec les autres ! Le titre français, la République, dérive d’un ouvrage de Cicéron écrit à la manière de Platon sous forme d’un dialogue et largement inspiré de la Politeia de Platon, De re publica (mot à mot : « à propos de la chose publique »), qui a déteint sur l’original et conduit à attribuer ce titre en latin, contracté en Respublica, à l’ouvrage de Platon, transcrit ensuite en français sous la forme République. La moins mauvaise traduction du titre grec en français serait plutôt « La citoyenneté », en prenant ce mot dans le sens le plus large possible impliquant la multiplicité des sens de « citoyen », dans la mesure où « citoyen » fait le lien entre l'individuel et le collectif en situant celui à qui on l'applique, qui est toujours une personne, en tant que membre d'une collectivité dans laquelle elle a des droits et des devoirs.

Et de fait, la République n'est pas soit un dialogue politique, soit un dialogue psychologique, mais les deux à la fois, dans la mesure où son propos est justement de montrer que l'un ne peut être séparé de l'autre, que la politique n'est rien de plus que les tentatives faites par l'homme pour mettre de l'ordre, ou du désordre, dans sa vie sociale selon la manière dont il fait usage de la raison qui lui a été donnée par le dieu pour s'élever au dessus de la simple matière et qui seule le distingue des autres animaux, et qu'il n'est pas possible pour l'homme de mettre de l'ordre dans sa vie en société s'il ne met pas d'abord de l'ordre dans sa vie intérieure, que personne n'est apte à gouverner les autres tant qu'il n'est pas capable de se « gouverner » lui-même. Parce que l'unité de l'âme humaine n'est pas donnée d'avance, parce que cette âme est constituée de plusieurs parties, comme on le découvrira au fil de la lecture, c'est à chacun de nous de construire l'harmonie et la communauté d'objectif entre les parties de son âme qui est le préalable à l'harmonie avec les autres dans la cité sous la conduite de la partie la plus noble de notre âme, ce logos qui nous vient du dieu créateur du kosmos ordonné qu'est notre Univers, que Platon appelle dèmiourgos (étymologiquement « travaillant (-ourgos) pour le peuple (dèmos) », c'est à dire « artisan ») dans le Timée. La politique n'est que le discours « en grosses lettres » écrit par les âmes des hommes dans cet Univers soumis au devenir, l'image de l'ordre ou du désordre qui règne en eux reflété dans leur vie en société. Et parce que l'homme ne peut vivre seul, parce qu'il est un « animal social », parce qu'il doit agir et non pas seulement penser ou parler, la politique devient partie intégrante de la « psychologie », mais partie seulement. La politique, en tant que le moyen d'introduire de l'ordre dans le monde des hommes à l'aide de lois qui sont le produit de la nature raisonnable de cet animal qu'est l'homme, est ici-bas la préoccupation ultime du philosophos, cet ami de la sagesse, mais doit être comprise dans le contexte d'une vision globale, à la lumière d'une compréhension correcte du devenir de l'âme et de son telos, sa « destinée » ultime à la mort ou « après ».

Mais alors, précisément parce que l'homme est un animal social, ce qu'il devient dépend de son environnement social au point qu'il est aussi difficile de décider si c'est lui qui fait son environnement ou bien si c'est son environnement qui le fait que de décider si la République est plus politique que psychologique ou le contraire. Et quand vient la fin du dialogue, la dégénérescence de l'homme et de la société sont décrites dans des sections imbriquées pour mieux montrer combien elles dépendent l'une de l'autre.

Pour commencer, vous pouvez consulter les plans commentés de la République.

Vous pouvez aussi consulter :

Sont aussi disponibles à ce point divers extraits de La République traduits et annotés par mes soins :

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Première publication en anglais le 14 août 1996 ; en français, le 1er mai 1999 ; dernière mise à jour le 25 novembre 2022
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