© 2016, 2024 Bernard SUZANNE Dernière mise à jour le 24 février 2024
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Le Théétète
(6ème tétralogie : La dialectique - 1er dialogue de la trilogie)

Tablette de cire et colombier 

Note : cette page reproduit avec quelques adaptations une section de même titre de mon article « Platon : une philosophie sans ontologie - Associations sélectives et partage d'expérience ».

Note du 24 février 2024 : dans l'introduction à ma traduction annotée de la première partie du dialogue entre Socrate et Parménide dans le Parménide, ajoutée le 22 février 2024 (accessible en cliquant ici), je montre, à partir d'une analyse du prologue du Parménide et de celui du Théétète, que le Socrate que Platon met en scène dans le Théétète n'est pas le Socrate atemporel et anhistorique qu'il met en scène dans la plupart des autres dialogues, mais un Socrate à la sauce d'Euclide de Mégare, auquel le prologue attribue en effet tout le reste du dialogue, et que l'un des éléments qui militent en ce sens est précisément le fait que c'est le seul dialogue de Platon dans lequel le Socrate qui y est mis en scène utilise des analogies qui ne fonctionnent pas et dont il montre lui-même l'inadéquation. J'y montre que, tout comme le Parménide est une mise en garde contre la préséance accordée par Aristote à la logique sur la dialektikè (la logique ne vaut que ce que vaut la compréhension des mots qu'elle utilise par celui qui suit le raisonnement), le Théétète est une mise en garde contre la compréhension de la dialektikè par Euclide et ses suiveurs, qui finirent par être appelés « dialecticiens », une dialectique qui récuse l'usage des analogies et juge de la validité d'un raisonnement sur le seul résultat (d'où son Socrate accoucheur de logoi, produits par d'autres mais lui-même stérile et pourtant juge de la validité du résultat alors qu'il prétend ne rien savoir) là ou la dialektikè telle que comprise par Platon ne vaut que par le cheminement qu'elle propose par le bias (dia-) du dialogue (to dialegesthai, la pratique du dialogue, dont dérive dialektikè) et que chacun doit reparcourir pour lui-même et n'hésite pas à faire appel à l'image, l'analogie, l'allégorie, etc. pour dépasser les limites du raisonnement rationnel fondé sur des mots toujours piégés et ambigus et impliquer toutes les parties de l'âme dans l'adhésion aux logoi produits. Cette nouvelle compréhension du Théétète ne remet pas en cause ce qui est dit ici sur les deux images proposées par ce Socrate dans le Théétète. Elle permet au contraire de voir jusqu'ou va le génie pédagogique et littéraire de Platon, puisqu'il nous propose, avec l'image du colombier, une image foireuse que son Socrate Euclidien récuse lui-même, mais qui n'est qu'une version délibérément corrompue par lui pour tester l'attention du lecteur d'une image parfaitement fonctionnelle qu'il revient à celui-ci de corriger en changeant un seul mot pour qu'elle fonctionne parfaitement, comme je le montre dans cette page. Ces deux mises en garde, celle du Parménide contre la préséance de la logique aristotélicienne sur la dialektikè platonicienne et celle du Théétète contre une compréhension dévoyée de la dialektikè dont Euclide de Mégare fut l'initiateur, préludent au dialogue majeur, le Sophiste, qui va préciser ce qu'est la dialektikè pour Platon à partir d'une analyse des mécanismes et des limites du logos, analyse dont l'absence (ou du moins l'arrivée trop tardive à la fin du dialogue) est cause de l'échec du Théétète à définir ce qu'est le savoir, et qui sera menée, non plus par un Socrate, platonicien ou pas, historique ou pas, mais par un anonyme originaire d'Élée dont il reviendra au lecteur de déterminer s'il est dans la continuité des philosophes issus de sa cité d'origine, Parménide et Zénon, ou dans celle du Socrate de Platon, pour devenir éventuellement un nouveau « Socrate » comme celui qui donnera la réplique à l'Étranger dans le Politique, le dialogue qui suit le Sophiste et conclut la tétralogie sur la dialektikè.

Par rapport à l'analyse du logos qu’effectue l’étranger dans le Sophiste, le Théétète joue un rôle préparatoire. Il nous fait réfléchir sur le rôle et les limites des sensations dans le processus de connaissance, puis met en évidence le rôle majeur que joue l’âme, à travers la réflexion (dianoeisthai), dans ce processus avant d’en arriver pour finir au logos, mais sans parvenir à cerner son rôle faute d’avoir fait une analyse de ses mécanismes propres et de ses rapports à ce qui n'est pas lui, qui sera l’objet du Sophiste. Dans cette démarche, la section de transition 184b3-187a8 qui introduit l’âme comme siège du savoir et la section IV qui la suit immédiatement (1) et qui examine l’hypothèse que le savoir serait l’opinion droite joue un rôle charnière, non seulement dans le Théétète, mais dans toute la trilogie, dont elle occupe le centre logique selon le schéma en 7 parties que j’ai présenté dans la page consacrée aux plans du Théétète, où le Sophiste est la partie VI et le Politique la partie VII. L’âme, à laquelle est consacrée la quatrième tétralogie (Banquet-Phèdre/République/Phédon), est en effet au centre du schéma en 7 parties en tant qu’elle est un pont entre le visible/sensible dont il est question dans les parties II et III et l’intelligible dont il est question dans les parties V et VI. Dans le cas de la partie IV du Théétète, elle joue ce rôle de charnière à l’aide de deux images vis-à-vis desquelles il faut bien analyser et comprendre les raisons profondes de leur échec : pour la première, l’image de la tablette de cire, il faut bien comprendre en quoi elle est inadéquate d’entrée, et pour la seconde, l’image du colombier, il faut trouver le mot unique qu’il suffit de changer pour qu’elle fonctionne parfaitement.

La tablette de cire

L’image de la tablette de cire dans laquelle les objets du monde extérieur viendraient imprimer leur empreinte comme le ferait un cachet porté sur une bague arrive au terme d’un long examen de la sensation (aisthèsis) et elle est inadéquate pour la simple raison que, dans le registre des sensations, c’est Héraclite qui a raison, tout « coule », tout passe son temps à changer, et donc il n’y a pas de bague et de cachet susceptible de laisser une empreinte dans la cire ! Car, pour que le cachet puisse laisser une empreinte, il faut qu’il ait une certaine stabilité, une certaine forme qui ne change pas dans le temps. Or il n’y a rien de tel dans ce que nous font percevoir nos sens.
Ce n’est pas la vue qui nous permet de « voir » des formes, des eidè dans le monde matériel et visible. La vue ne nous donne à voir que des couleurs en perpétuel mouvement et changeantes. Nos yeux sont incapables d’analyser l’image en deux dimensions en constante évolution qu’ils captent. Pour eux, pour utiliser une analogie contemporaine, celle de la photo numérique, ce qu’ils captent est une succession continue d’images en mode « points » faite d’une multitude de minuscules taches colorées diversement qui, chacune, correspondant à une position donnée dans le champ de vision, passent leur temps à changer de couleur, un point c’est tout. Bref, les yeux enregistrent une multitude de fichiers image ayant tous la même taille (le champ de vision) qui se succèdent à un rythme effréné tant que les yeux restent ouverts. Il ne s’agit pas d’images « vectorielles » dans lesquelles chaque « objet » est identifié de manière individuelle par une série de paramètres décrivant sa forme, son orientation, sa position, sa couleur, etc., et parfaitement distingué de tous les autres « objets » qui composent l’image, mais de données brutes sur lesquelles l’« âme », pour revenir au langage de Platon, doit faire ce qu’on appelle aujourd’hui en langage informatique de la reconnaissance de formes. C’est ce que Socrate voulait déjà faire comprendre à Ménon en définissant, en Ménon, 75b10-11, schèma (« figure ») comme « ce qui, seul d'entre les étants, se trouve toujours accompagner la couleur (ho monon tôn ontôn tugchanei chrômati aei hepomenon) ». Il vaut la peine de s’arrêter un instant sur cette définition et de la resituer dans son contexte : (2) Socrate demande à Ménon, avec lequel il cherche le sens d’aretè (« excellence, perfection », plutôt que le plus classique « vertu », trop connoté moralement) et qui vient de lui lister de multiples aretai, chacune adaptée à un contexte ou à une catégorie de personnes spécifique, quel eidos commun fait qu’on les appelle toutes aretai(« perfections ») ; devant l’incompréhension de Ménon, il accepte de lui donner un exemple de ce qu’il entend par eidos et prend pour cela le mot schèma, mot qui a un sens très proche de celui d’eidos avant de se voir spécialiser pour parler plus spécifiquement des « figures » géométriques, ce qui en fait un « embryon » d’eidos, un type d’eidos élémentaire accessible au plus grand nombre, et sans connotations morales ou éthiques susceptibles de biaiser la compréhension. Bref, il utilise la vision « schématique » et simplificatrice de la géométrie pour essayer de faire comprendre des notions plus abstraites et plus complexes, comme un enfant qui commence par dessiner des cercles pour représenter la tête, la bouche et les yeux d’un visage, et des lignes pour les bras et le jambes avant d’être capable de les dessiner avec des formes moins régulières et plus proches de la réalité, et il choisit cet exemple, qui met en évidence la continuité entre figures visibles et « concepts », pour nous faire toucher du doigt le fait que le vrai point de rupture n’est pas entre « formes/apparences visibles (horômena eidè) » (cf. République VI, 510d5 dans l’analogie de la ligne), d’un côté et « forme/apparence intelligible (noèton eidos) » (cf. République VI, 511a3 dans l’analogie de la ligne), mais entre données brutes des sens et eidè (« formes/apparences ») extraites/abstraites par la pensée de ces données brutes. Reconnaître un objet ou une personne quelconque présente dans notre champ de vision suppose que l’on sache isoler du reste de l’image perpétuellement changeante que capte notre rétine un ensemble de caractéristiques de couleur et de mouvement ou de stabilité semblant présenter une certaine « unité » par rapport à d’autres « unités » participant aussi aux images qui défilent, en ne retenant que certaines données et pas d’autres, en les simplifiant, par exemple pour ne pas tenir compte des perpétuels changements de nuances des couleurs lorsqu’elles restent dans le même registre, que l’on sache tenir compte différemment des mouvements relatifs des « parties » de ce tout qu’on cherche à isoler des mouvements des autres parties de l’image, par exemple pour identifier des membres qui restent toujours « attachés » à un même tronc même si leur position par rapport à ce tronc change, tout comme la position du tronc et de l’ensemble de ce qui s’y « rattache », et même si les couleurs de ces différentes parties sont différentes (par exemple peau apparente par rapport à la couleur de vêtements qui peuvent eux-mêmes avoir plusieurs couleurs selon la partie du corps qu’ils couvrent, etc.
Il en va de même pour les sons, comme le savent les informaticiens qui travaillent sur la reconnaissance vocale : nos oreilles ne captent pas des mots ou des notes de musique, mais un mélange de sons provenant de sources diverses et il faut tout un travail d’analyse pour « individualiser » dans ce flux continu représentable par une unique courbe sur un écran d’ordinateur ou d’oscilloscope des mots provenant potentiellement de conversations différentes ayant lieu en parallèle, de la musique, là encore susceptible de provenir de plusieurs sources distinctes, comme par exemple les divers instruments d’un même orchestre, des bruits divers plus ou moins individualisables et identifiables comme le bruit d’une voiture qui passe, d’une porte qui claque ou de spectateurs qui toussent pendant un concert. Et, là encore, c’est l’âme, dans le langage de Platon, qui effectue ce travail, pas les oreilles.
Penser que le bloc de cire dont Socrate fait l’image de la mémoire enregistre des impressions sensibles directement, des aisthèseis résultant de ce que nous voyons et entendons (Théétète, 191d4-8), c’est supposer que ce qui s’enregistre sur le bloc de cire, ce sont, pour revenir à l’analogie informatique, des successions de fichiers jpeg correspondant à des « photos » prises à des instants particuliers et des fichiers wav résultant d’enregistrements bruts de ce que perçoivent nos oreilles. Mais il n’y a pas deux fichiers jpeg issus de photos différentes, même prises en rafale, ou deux fichiers wav résultant d’enregistrements différents qui soient identiques et donc la « reconnaissance » d’une empreinte antérieure lors d’une nouvelle perception sensible est impossible si l’on en reste à ce niveau. Ce que la mémoire enregistre des impressions sensibles est déjà le résultat de processus complexes d’analyse et de différenciation que nous avons développé depuis les premiers instants de notre vie sur les données brutes de chacun de nos sens et qui se déroule automatiquement en nous en permanence sans même que nous en soyons conscients, ce qui nous fait croire que nous « voyons » les formes que l’un de ces processus extrait des images captées par notre rétine, et les objets ou personnes dont ce sont les formes, alors que nous en voyons à proprement parler que des taches de couleur.
Plutôt que d’en rester toujours à la vue, on peut réfléchir à la manière dont on mémorise une chanson ou un air d’opéra : nous dissocions la mélodie, l’accompagnement, les divers instruments qui participent à la performance, le timbre de voix de l’interprète, les paroles chantées, etc. La mélodie n’est pas mémorisée comme une séquence de sons, mais comme une « forme » caractérisée par des hauteurs relatives et des durées relatives de notes les unes par rapport aux autres se succédant dans un certain ordre, et rien de plus, ce qui nous permet de reconnaître la mélodie quel que soit l’instrument qui la joue ou la voix qui la chante, le tempo plus ou moins rapide sur lequel elle est exécutée, la tonalité dans laquelle elle est jouée ou chantée en fonction des transpositions éventuelles qu’on lui a fait subir et du registre des voix ou instruments en cause, des paroles qui y sont associées en cas de pastiche ou de traduction dans une autre langue, de l’arrangement orchestral spécifique à chaque interprétation, etc., et même, dans certaines limites, malgré les fausses notes que peut faire par endroit l’interprète, qui nous permettent justement de déterminer que l’interprète commet des erreurs. De même, on enregistre distinctement le timbre de voix de l’interprète, qui nous permettra de le reconnaître lorsqu’on l’entendra chanter une autre mélodie, tout comme on mémorise le timbre spécifique de chaque instrument qui nous permet de le reconnaître, plus ou moins facilement selon les cas, quelle que soit la mélodie qu’il joue. On pourrait continuer pour montrer ce qu’on peut ainsi dissocier et mémoriser séparément à partir d’un unique phénomène sonore et ces enregistrements ont peu de chance de ressembler dans notre mémoire à un enregistrement de la même performance sur un magnétophone. Bref, il n’y a pas de mémorisation possible sans un travail préalable de l’« âme » sur les données brutes des sens, lui-même préalable à un autre travail de mise en relation des données des divers sens pour associer des éléments fournis par la vue à d’autres fournis par l’ouïe ou par le toucher (indispensable pour prendre conscience du fait que le monde qui nous entoure n’est pas « plat », comme il nous apparaît dans la vue, mais tridimensionnel) ou par un autre sens encore.
L’abstraction, au sens le plus général et étymologique du terme, qui inclut en particulier, pour en rester aux exemples pris, l’extraction de formes à partir des données de la vue, ou de mélodies à partir de données de l’ouïe, intervient donc dès le début du processus, c’est-à-dire entre la capture des données par un sens ou un autre et l’enregistrement dans le « bloc de cire ». Et comme ces processus d’abstraction sont complexes et susceptibles d’erreurs, les rapprochements entre le résultat du traitement de données sensibles actuelles et les résultats enregistrés (mémorisés) antérieurement, qui peuvent eux aussi être sources d’erreurs, expliquent les erreurs que nous pouvons faire dans la reconnaissance de choses pourtant connues. Ce ne sont pas les objets du monde réel (quoi que cela veuille dire) qui « impriment » leur empreinte dans la tablette de cire de notre mémoire, mais notre âme qui y transcrit des « notes » prises à partir de ces impressions sensibles au terme d’un processus d’analyse et de décomposition complexe dont le résultat n’est ni des sons, ni des images, ni des goûts, ni des odeurs, ni des sensations tactiles, mais quelque chose d’autre dont nous ne pouvons nous représenter la nature exacte. Et de toute façon, nous ne ressentirons jamais deux fois exactement les mêmes sensations, comme l’a bien compris Héraclite. Mais c’est justement parce que ce ne sont pas ces sensations qu’on mémorise, mais des « abstractions » qui en ont extrait des eidè au sens le plus large en élaguant les détails secondaires et non pertinents que nous pouvons « reconnaître » des eidè identiques dans des perceptions sensibles toutes différentes.
Il y a bien, si l’on veut, un « bloc de cire » dans notre âme, mais il n’a aucun contact direct avec l’extérieur et c’est l’âme et elle seule qui y « imprime » (consciemment ou inconsciemment, selon les cas) ce dont elle veut conserver la mémoire au terme de processus complexes mis en branle par les impressions sensibles. Si l’on veut utiliser le vocabulaire qu’utilise Socrate en Théétète, 191d4-8, nous n’enregistrons dans le bloc de cire que des ennoiai (« pensées intérieures », 191d7), le fruit de ce que autoi ennoèsômen (« nous pensons-nous-mêmes en nous-mêmes », 191d6-7), qui ne se limite pas aux « abstractions » au sens usuel comme « beau », « juste », « bon », etc., comme pourrait le laisser penser la formulation de Socrate qui a mentionné juste avant « ce que nous voyons ou entendons » pour tester la compréhension de son interlocuteur au terme d’un long échange sur les thèses d’Héraclite et de ses suiveurs comme Protagoras.
En conclusion, oui, Héraclite a raison quand il affirme que tout est en perpétuel changement dans le monde matériel, mais il occulte complètement le processus d’abstraction qui commence dès les données sensibles et permet aux hommes de saisir de l’unité, de la continuité et de la permanence là où il n’y en a pas dans ce qui nous permet de l’appréhender par les sens et de valider au moins certains de ces résultats par l’expérience partagée.
 

Le colombier

Si, pour faire fonctionner l’image de la tablette de cire, il faut admettre que ce ne sont pas les réalités extérieures à notre âme qui y impriment directement leur trace au moyen des sens, pour faire fonctionner l’image du colombier, il suffit de changer un seul mot dans la description qu’en fait Socrate : remplacer le mot « epistèmè » par le mot « onoma ». Et voilà comment le logos fait son entrée dans la réflexion !
Commençons par remarquer que la traduction d’epistèmè par « science », utilisée par Diès (Budé) et Narcy (GF Flammarion), n’aide pas à la compréhension des propos de Socrate. La traduction de Robin (Pléiade) par « connaissance » est de beaucoup préférable. Mais, pour éviter la confusion avec les mots utilisés pour traduire des termes de la famille de gignôskein, qu’on traduit généralement par « connaître », je préfère la traduction par « savoir ». En effet, lorsque, dans son développement, Socrate parle de l’arithmètikè (198a5), il ne la qualifie pas d’epistèmè, mais de technè, et ce n’est pas à elle qu’il associe un oiseau ; il en fait au contraire une « chasse aux savoirs (epistèmôn) » (198a7) en vue d’acquérir « les savoirs relatifs aux nombres (tas epistèmas tôn arithmôn) », (198a10-b1). C’est donc à chaque nombre qu’est associé un savoir, et donc, dans l’imagerie utilisée par Socrate, un oiseau. Parler de la science du six ou du onze, en les considérant comme des « sciences » distinctes, n’a pas trop de sens en français actuel, alors que parler de la « connaissance » du six ou du onze ou d’un « savoir » sur chacun de ces nombres est bien plus compréhensible.
Quoi qu’il en soit, toute la question est de savoir ce qui constitue ce « savoir », ce que représente l’oiseau associé à chacun de ces nombres et plus généralement à chaque epistèmè. Or l’évocation des petits enfants (paidiôn en 197e2), dont le colombier est vide au départ, nous invite à nous tourner vers la manière dont les tout petits enfants commencent à apprendre. Et force est alors de constater que ce qu’ils « capturent » pour les mettre dans leur colombier, ce ne sont pas des savoirs tout faits, mais au départ de simples mots. Ainsi chacun a pu constater que les petites enfants apprennent les noms des nombres, comme de simples mots, avant de savoir les réciter dans l’ordre ; plus tard, ayant appris les nombres et leur ordre de succession, ils commenceront à apprendre à effectuer des opérations sur ces nombres, additions d’abord, puis soustraction, puis multiplications et enfin divisions, là encore en mémorisant par cœur des « tables » d’addition et de multiplication. Bref, faut-il supposer que l’oiseau n’est capturé que lorsqu’on a le savoir intégral sur un nombre donné ou dès qu’on a mémorisé le nom du nombre en cause ? D’après les exemples que donne ensuite Socrate, dans la section sur le colombier et plus tard, dans la section sur le logos à la fin du dialogue (cf. 204b10-c2), avoir la connaissance parfaite d’un nombre supposerait qu’on connaisse toutes les opérations dont ce nombre peut être le résultat, ce qui est manifestement impossible puisque, quoi qu’en pense le jeune Théétète, qui croit naïvement que l’arithméticien accompli (arithmètikos teleôs) connaît tous les nombres (198b8-10), les nombre, même en se limitant aux entiers positifs, sont en nombre infini et donc personne ne peut les connaître tous, c’est-à-dire avoir dans son colombier un oiseau correspondant à chacun des nombres, (3) et encore moins connaître toutes les opérations (additions, soustractions, multiplications, divisions, et d’autres encore de nos jours) auxquelles ils participent. Donc, ou bien les oiseaux représentent des connaissances exhaustives et complètes et nous n’en aurons jamais aucun dans nos colombiers, ou bien il faut se résoudre à considérer que les oiseaux représentent bien les mots, et cela seulement, au moins au fur et à mesure qu’on peuple son colombier.
Un autre indice en ce sens nous est donné par l’utilisation par Socrate, en 197e5-6 du mot pragma pour parler de « la "chose" sur laquelle était ce savoir-là (to pragma hou èn autè hè epistèmè) » : le mot pragma est celui qui est utilisé par Socrate, en particulier dans le Cratyle, mais aussi dans le Théétète, en 177e1-2, pour désigner ce à quoi fait référence un onoma. Le nom d’une « chose » est la première réponse qui vient à l’esprit quand on demande en la montrant : « qu’est-ce que c’est (ti esti) ? » Mais connaître le nom veut-il dire qu’on connaît le pragma ? Bien sûr que non ! Et c’est aussi cela à quoi Socrate nous invite à réfléchir en utilisant le mot epistèmè (« savoir ») au lieu du mot onoma (« nom ») pour désigner ce qu’il représente par des oiseaux que nous cherchons à capturer. Les oiseaux que l’on capture pour les enfermer dans notre « colombier » intérieur au fil de notre apprentissage ne sont pas des « savoirs » qui seraient en quelque sorte une appropriation parfaitement adéquate des réalités extérieures, des sortes de « clones » de ces réalités, (4) mais tout simplement des mots, ou, si l’on veut absolument conserver le mot epistèmè, des savoirs de mots. Lors de tout apprentissage, on mémorise des mots, des phrases (les oiseaux allant « en petits groupes (kat’ oligas) », 197d9) et des discours (les oiseaux allant « en troupeaux (kat’ agelas) », 197d8). Et lorsqu’on veut faire usage de ce que nous avons appris, on va chercher ces mots, ces phrases et ces discours pour recomposer de nouveaux discours et exprimer des doxai (« opinions ») ou (si tant est que ce soit possible) des gnômai (« jugements de connaisseurs »), mais toujours faits d’assemblages de mots. Toute la question est alors de savoir quelles relations ces « oiseaux », les mots, entretiennent avec l’« extérieur » du colombier qu’ils sont censés nous aider à décrire. Certes, ils nous viennent pour la plupart de l’extérieur, même si nous sommes capables d’en produire par nous-même en donnant naissance à des oiseaux dans le colombier (des « néologismes »), mais par clonage, non de ce qu’ils représentent ou prétendent représenter, mais d’oiseaux prisonniers dans d’autres colombiers, ceux des personnes qui nous apprennent à parler et nous éduquent, et plus généralement tous ceux avec qui nous engageons la conversation et qui peuvent à l’occasion nous apprendre des mots que nous ne connaissions pas encore. Mais pour que les oiseaux soient « signes » de réalités extérieures à tous les colombiers, il faut qu’ils aient un lien avec ce dont ils seraient signes. Or on peut avoir dans son colombier des oiseaux qui n’ont pas ce lien (un enfant, et parfois même un adulte, peut répéter un mot qu’il a entendu sans pour autant en connaître la signification) et par ailleurs, lorsqu’on « clone » un oiseau dans le processus d’apprentissage et d’éducation, on ne clone pas le lien qu’il avait dans cet autre colombier avec quelque chose hors des colombiers, c’est à chacun de recréer ce lien par lui-même
 

Tablettes de cire et colombier

Pour comprendre ce que sont ces liens, on peut combiner les deux images proposées par Socrate : les oiseaux sont en quelque sorte les « porteurs » des empreintes dans la cire de la première image, faites par les « abstractions » extraites des données brutes de nos sens dans des expériences particulières, sur autant de tablettes de cire distinctes qu’il y a d’empreintes et chacune de ces tablettes portant une empreinte peut être attachée à la patte d’un oiseau par un bout de ficelle. Mais ces liens ne sont pas figés une fois pour toutes, bien au contraire : chaque fois que l’on capture un oiseau, c’est le plus souvent à l’occasion de la fabrication d’une empreinte dans la cire et cette empreinte est attachée à l’oiseau, et lorsque le propriétaire a besoin d’attraper à nouveau cet oiseau, c’est souvent pour y attacher une nouvelle empreinte qui n’est pas destinée à remplacer les précédentes, mais à s’y ajouter, pour faire des oiseaux de plus en plus riches (en empreintes). Le résultat, c’est que la collection d’empreintes attachées à un oiseau donné, cloné dans une multitude de colombiers, est différente dans chaque colombier. Et puis certains oiseaux peuvent perdre certaines des empreintes qui leur avaient été attachées (le phénomène de l’oubli), le propriétaire peut de temps à autres détacher une empreinte d’un oiseau pour l’attacher à un autre oiseau (corriger des erreurs sur la compréhension de tel ou tel mot), il peut aussi dupliquer l’empreinte pour l’attacher à plusieurs oiseaux (plusieurs mots de signification voisine ou identique), etc.
Mais il y a plus. J’ai dit, en parlant de l’image de la tablette de cire, que ce n’étaient pas les données brutes de nos sens qui s’y imprimaient, mais les multiples résultats d’un travail d’analyse et de « schématisation » fait de manière inconsciente à partir de ces données. Or ce travail dépend lui-même des savoirs antérieurement acquis, des mots et des connaissances associées déjà en notre possession. Un petit enfant peut connaître le mot « chien », appris devant un de ces animaux. Mais pour qu’il comprenne qu’un chien est un animal à quatre pattes, il faut qu’il sache ce qu’est une « patte », même si, dans un premier temps, par analogie avec ce qu’il connaît de son anatomie et de celle de ceux qui l’entoure, il appelle cela « jambe », et aussi qu’il sache compter jusqu’à quatre. Ce sont ces acquisitions progressives qui seules peuvent lui permettre d’analyse la forme d’ensemble d’un chien pour isoler, parmi les différentes protubérances autour de son corps, quelque chose qu’il appelle « tête », autre chose qu’il appelle « queue » et les autres qu’il appelle « pattes ». Et pour qu’il puisse apprendre à distinguer un chat d’un chien, et à reconnaître qu’un pékinois et un chien des Pyrénées sont tous deux des chiens, alors que l’un est à peine plus gros qu’un chat et l’autre beaucoup plus gros, il faudra qu’il sache intégrer à son analyse des distinctions plus fines comme la forme des « oreilles », celle du « museau », ou encore la différence des sons émis, ouah ouah ou miaou, l’aptitude à sauter plus ou moins haut ou à se faufiler dans des passages étroits, etc. Et tous ces éléments d’analyse plus fine lui viennent avec l’apprentissage de nouveaux mots. C’est le souci d’extraire des données brutes des sens des empreintes partielles associables à des oiseaux spécifiques déjà présents dans notre colombier qui guide inconsciemment notre analyse de ces données.
Certes, il n’est pas nécessaire d’avoir toujours des oiseaux (des mots) à associer à chaque empreinte dans la cire et certaines empreintes peuvent rester un temps, voire éternellement, dans un coin du colombier sans être attachées à aucun oiseau. C’est le cas par exemple, pour reprendre l’exemple donné plus haut dans le registre des sons, avec une chanson dont on retiendrait, plus ou moins fidèlement, la mélodie sans en connaître le titre, mais suffisamment pour la reconnaître si on l’entend une nouvelle fois ; et cela ne nous empêchera d’ailleurs pas d’extraire des données sonores captées à cette occasion, d’autres « empreintes » que nous pourrons, elles, associer à des oiseaux, comme par exemple la nature des instruments d’accompagnement, le nom de l’interprète, etc.. De même, on peut conserver le souvenir d’un animal vu sans en connaître le nom, là encore en extrayant de cette contemplation d’autres « empreintes » partielles qu’on saura attacher à des oiseaux, comme la couleur, le genre (oiseau, poisson, ou autre), etc. Mais le savoir ne se constitue que lorsqu’on est capable d’associer les empreintes à des oiseaux et c’est la multiplication des empreintes associées à un oiseau donné qui enrichit notre connaissance de ce à quoi cet oiseau est associé hors des colombiers.
Ce qu’il faut bien comprendre dans cette image, c’est qu’il n’y a aucun oiseau à l’extérieur des colombiers et qu’il n’y a que des oiseaux et des empreintes dans les colombiers. Les oiseaux sont tous ou produits dans un colombier, ou clonés de colombier à colombier. Mais les empreintes de cire ne sont jamais clonées dans ce processus. Personne ne peut lire dans la mémoire d’un autre pour y recopier des empreintes. Les seuls échanges possibles entre personnes sont des échanges de mots, le dialegesthai. Lorsque quelqu’un clone un de ses oiseaux pour donner le clone à quelqu’un d’autre (lui apprend un mot), il le fait dans un contexte où il a lui-même reconnu une empreinte attachée à cet oiseau et il espère que celui à qui il donne le clone aura lui-même fabriqué en lui cette empreinte et l’attachera au clone qu’il lui donne. Et il faut aussi noter que, du point de vue d’une personne donnée, à quelques exceptions près (mots « inventés »), tout ce qui entre dans son colombier vient de l’extérieur de celui-ci, aussi bien oiseaux qu’empreintes à y attacher. Et comme les oiseaux sont le plus souvent capturés en même temps que des empreintes à y associer, il devient facile de confondre l’un et l’autre, qui sont tous les deux des onta (« étants ») mais des onta de nature différente.
Les nombres sont une espèce d’oiseaux particulièrement intéressante qu’on trouve dans pratiquement tous les colombiers. C’est une espèce qui a la particularité de vivre en troupeau et de ne porter aucune empreinte, mais qu’il faut dresser pour que les oiseaux du troupeau volent en file sur une seule ligne en restant toujours dans le même ordre. On peut en avoir autant qu’on veut et ils sont tous différents les uns des autres (comme tous les mots), mais chacun a une place bien déterminée dans le troupeau car c’est elle qui constitue en quelque sorte l’« empreinte » qui lui est associée. Au début, avant qu’on les dresse, on peut avoir plusieurs oiseaux de cette espèce dans son colombier (connaître certains des noms de nombres et savoir les répéter), mais tant qu’ils ne respectent pas l’ordre imposé ou qu’il y a des trous dans le troupeau (des oiseaux manquant à la place qui devrait être la leur), ils ne nous sont pas d’une grande utilité. Mais une fois qu’on les a bien dressés et qu’on a un troupeau sans « trous », il arrive qu’on ait besoin d’aller chercher un des oiseaux du troupeau sans faire défiler tous ses prédécesseurs dans le troupeau et que, ce faisant, on se trompe et prenne le mauvais oiseau, alors même qu’on a dans son troupeau celui qu’il aurait fallu prendre. La raison en est que, comme ils ne portent pas d’empreinte, bien qu’étant tous différents (chaque nom de nombre est différent de tous les autres), le seul signe de reconnaissance qui garantit qu’on prendra toujours le bon est sa place dans la file.
On voit ici en quoi le fait d’associer les oiseaux aux seuls noms fait disparaître l’objection que fait Socrate à son image en disant qu’un savoir ne peut être cause d’une erreur. Si le savoir de onze implique la connaissance de toutes les opérations qui ont onze pour résultat, alors en effet, l’objection est pertinente, mais, comme on l’a vu plus haut, un tel oiseau n’existe pas. Si par contre l’oiseau-savoir de onze n’est que la connaissance du mot « onze », destinée à s’enrichir au fil de nouveaux apprentissages, alors le fait de donner à tort onze comme résultat d’une opération n’implique pas que l’erreur vienne d’un savoir, puisque le savoir du mot « onze », qui est bien un savoir d’une certaine sorte, n’est pas nécessairement savoir de toutes les opérations qui ont onze pour résultat. Mais ce n’est pas dans cette direction que le jeune Théétète cherche une parade à l’objection de Socrate, faute d’avoir des idées claires sur ce que signifie epistèmè (qui est en fait l’objet de tout le dialogue, comme le fait remarquer Socrate en conclusion de son image du colombier) et sur les mécanismes du logos (comme va le montrer la dernière partie du dialogue).
Ce que veut nous faire toucher du doigt le Socrate mis en scène par Platon à travers ces images, c’est que, même à l’aide des sens, nous ne « capturons » pas, nous ne clonons pas les réalités extérieures. Nous en extrayons des eidè, des « apparences » sensibles dans un premier temps conformées à chacun de nos sens, qui n’en saisissent chacun qu’un aspect très particulier et nous associons des noms à ces eidè (cf. République X, 596a6-7 : « Nous avons en effet l'habitude, me semble-t-il, de poser un certain eidos unique dans chaque cas pour chacune des pluralités auxquelles nous attribuons le même nom (eidos gar pou ti hen hekaston eiôthamen tithesthai peri hekasta ta polla, hois tauton onoma epipheromen) »), qui nous aident ensuite à analyser plus finement les impressions sensibles futures. Et comme l’a dit Socrate en introduction à ces deux images, celle de la tablette de cire et celle du colombier, la dianoia (« pensée »), ou plus exactement to dianoeisthai (« le [fait de] penser »), l’activité de la dianoia, n’est qu’un logos intérieur, c’est-à-dire un processus dépendant des mots (cf. 189e4-190a7), un art de faire voler nos oiseaux de manière pertinente.
Mais là où l’image de Socrate atteint ses limites, du moins telle qu’il la présente, c’est dans le fait qu’elle associe les oiseaux aux pragmata (« faits, choses ») et que Socrate ne parle que d’attraper un à un des oiseaux présents dans le colombier, c’est-à-dire en fin de compte de répondre à des questions de type ti esti (« c’est quoi ? ») par le mot approprié. Son colombier n’est finalement qu’un dictionnaire plus ou moins riche et il ne nous fournit aucun « manuel d’ornithologie », c’est-à-dire pas de grammaire qui nous apprendrait comment assembler convenablement les mots. Et surtout, il ne fait que suggérer (en 200a), mais sans y répondre, la question qu’on ne peut éviter à propos du savoir : comment savoir qu’on sait ?
Ce sont ces limites qui expliquent l’échec du Théétète. Et ce sera le rôle de l’étranger du Sophiste que de mettre à jour les mécanismes du langage et les liens qu'il entretient avec ce qui n'est pas lui, sans hypothèses préalables sur ce qui pourrait être au-delà des mots et de montrer par l’exemple, en le mettant en pratique, ce qui, dans certains cas au moins, permet de savoir qu’on sait : l’expérience partagée dans le dialegesthai.

(retour à la page d'introduction du Théétète)


(1) Voir les plans du Théétète sur une autre page de ce site. (<==)

(2) Sur tout ce qui se joue dans cet échange entre Socrate et Ménon (74a-76e), on peut se reporter à l’article que j’ai écrit pour la revue philosophique en ligne Klèsis, publié dans le numéro 14, Varia, de février 2010, intitulé « De la couleur avant toutes choses, les schèmas invisibles du Ménon », dont une copie est disponible sur ce site en cliquant ici. Son lien avec la problématique qui nous occupe ici, celle du dialegesthai, est encore marquée par le fait que la réaction de Ménon à cette définition donnée par Socrate est de dire qu’elle n’apprend rien à qui ne sait pas ce que signifie chrôma (« couleur »), ce qui va donner à Socrate l’occasion de préciser ce qu’il entend par manière dialektikè de dialoguer (Ménon, 75c4-d7) : se mettre d’accord avec l’interlocuteur sur le sens que l’on donne aux mots et n’utiliser que des mots dont on a vérifié auparavant que l’interlocuteur les comprend et en quel sens il les comprend. (<==)

(3) L’arithméticien accompli connaît au mieux un mécanisme formel permettant, théoriquement au moins, d’écrire tous les nombres dont il pourrait avoir besoin dans ses calculs (sous réserve que ces nombres nécessitent un nombre de signes matériellement maîtrisable pour les écrire) et par ailleurs des règles formelles pour effectuer des opérations sur n’importe lequel de ces nombres. Mais même ces formalismes n’étaient pas encore très au point du temps de Socrate. Un bon arithméticien n’a donc pas, aussi bon soit-il, tous les oiseaux correspondant à tous les nombres dans son colombier, mais seulement certains d’entre eux plus une règle lui permettant de créer de nouveaux oiseaux de l’espèce « nombres » selon ses besoins. (<==)

(4) Que ce ne soient pas les pragmata eux-mêmes, c’est évident car, si c’était le cas, chaque pragma ne pourrait être présent que dans un seul colombier, celui du premier qui aurait mis la main dessus ! (<==)


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Première publication le 22 novembre 2016 ; dernière mise à jour le 24 février 2024
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