© 2006 Bernard SUZANNE | Dernière mise à jour le 9 mars 2006 |
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Ce mot, qui joue un rôle majeur dans la compréhension des dialogues de Platon, est un des mots les plus riches de sens en grec. On commencera donc, avant d'en examiner la place dans les dialogues, par reproduire ici la rubrique qui lui est consacrée dans le dictionnaire Grec-Français de A. Bailly (1) :
logos, ou (ho) :
A parole :
I la parole, en général : « erge logou mezô », Hérodote, II, 35, actions au-dessus de ce qu'on en pourrait dire ; « logou kreisson », Thucydide, II, 50, au-dessus de toute expression ; par opposition à « ergon » (l'action) « logôi men..., ergôi de », Hérodote, IV, 8 ; Thucydide, I, 22, etc. en parole..., mais en fait, etc. ; « ergôi kou logôi », Eschyle, Prométhée enchaîné, 336, en réalité et non en paroles ; de même par opposition à « voôi » (intelligence, esprit, pensée) Hérodote, II, 100 ; à « alètheia » (réalité) Lycurgue, 150, 44
II particulièrement une parole, un mot : « hôs eipein logôi », Hérodote, II, 37 ; « legein heni logôi », Platon, Phèdre, 241e, etc. ; « hôs haplôi logôi », att. ou « haplôi logôi », Eschyle, Prométhée enchaîné, 975, pour le dire en un mot, en un seul mot, d'un simple mot ; au pluriel, mots, paroles, d'où langage, usité seulement en ce sens dans Homère et Hésiode Iliade, XV, 393 ; « haimulioi logoi », Odyssée, I, 56, paroles de flatterie, flatteries ; cf. Hymnes Homériques, Merc. 317 ; « pseudeis logoi », Hésiode, Théogonie, 229, mensonges (toutefois « logos » ne signifie jamais « mot » au sens grammatical comme « onoma » ou « rhèma » ; il suppose toujours l'usage réel de la parole)
III par suite, une parole, pour marquer diverses applications particulières :
1 terme de logique proposition, Platon, Théétète, 201e, etc. ; « l. horistikos », Aristote, Métaphysique, H, 1043b32, proposition servant à définir, définition
2 ce qu'on dit, un dire, Thucydide, I, 2
3 révélation divine, Platon, Phédon, 78d ; d'où réponse d'oracle, Pindare, Pythiques, IV, 105
4 sentence, maxime, proverbe, Pindare, Néméennes, IX, 6 ; Eschyle, Sept contre Thèbes, 218 ; etc.
5 exemple : « logou heneka », Platon, Criton, 46d ; « logou charin », Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 1144a33, par exemple, c'est-à-dire pour la forme, en apparence
6 décision, résolution, Hérodote, I, 141, I, 166, etc.
7 condition, Hérodote, I, 60 ; « epi logôi », Hérodote, VII, 158, à une condition
8 promesse, Sophocle, Oedipe à Colone, 651
9 prétexte, Xénophon, Anabase, VI, 2, 6 ; « ek smikrou logou », Sophocle, Oedipe à Colone, 620, sous un prétexte frivole
10 argument, Xénophon, Cyropédie, I, 5, 3, etc. ; Anabase, II, 6, 3, etc.
11 ordre, Eschyle, Prométhée enchaîné, 17, 40 ; Perses, 363
IV mention : « logou axion », Hérodote, IV, 28, (pour que cela) vaille la peine qu'on en parle ; particulièrement en bonne part renommée, renom : « logos echei se », Hérodote, VII, 5, etc. on parle de toi ; « peri seo logos apiktai pollos », Hérodote, I, 30, ta renommée est venu jusqu'à moi ; « logon akouein », att. entendre parler de soi (voir « akouô ») ; en mauvaise part : mauvais bruit, mauvaise réputation, Sophocle, Ajax, 138 ; Euripide, Enfants d'Héraclès, 165, etc.
V Bruit qui court, bruit répandu : « logos esti, logos echei, logos pheretai », avec une proposition infinitive, att. c'est un bruit répandu que, etc. ; rarement avec un nom de personne pour sujet : « Kleisthenès logon echei tèn Puthian anapeisai », Hérodote, V, 66, Kleisthénès passe pour avoir inspiré la Pythie ; particulièrement nouvelle, Sophocle, Oedipe à Colone, 1150
VI entretien d'où :
1 proprement entretien, conversation : « eis logous elthein, sunelthein, ienai, aphikesthai tini », Hérodote, I, 82, II, 32, etc. ; att. ; « dia logôn ienai », Euripide, Troyennes, 916 ; « dia logôn gignesthai tini », Polybe, 22,21,12, s'entretenir ou conférer avec quelqu'un ; « logous poieisthai pros tina », Platon, Protagoras, 348a, s'entretenir avec quelqu'un ; « logon peri tinos legein », Sur le meurtre d'Hérode, 50, s'entretenir de quelque chose
2 discussion, particulièrement discussion philosophique, Platon, Gorgias, 506a, Protagoras, 329c, etc. ; « hoi en tois logois », Aristote, Métaphysique, Thêta, 1050b36, les dialecticiens, c'est-à-dire Platon et son école
VII récit, d'où :
1 fable, Hérodote, I, 141 ; Xénophon, Mémorables, II, 7, 13 ; Platon, Phédon, 61b, etc. ; Aristote, Rhétorique, II, 1393b8 ; « hoi tou Aisôpou logoi », Platon, Phédon, 60d, les fables d'Ésope
2 récit d'histoire, par opposition à la légende (« muthos »), Platon, Protagoras, 320c, Gorgias, 523a, etc. ; à l'histoire proprement dite (« historia »), Hérodote, II, 99, etc. ; d'où au pluriel traditions historiques, Hérodote, I, 184, etc. ; à la poésie épique (« epos ») (sens conservé dans les composés « logographos », « logopoios », etc.)
VIII par extension composition en prose (les ouvrages d'histoire ayant été les premiers écrits grecs en prose) par opposition à « poièsis », Platon, République, III, 390a ; à « poièma », Aristote, Poétique, 1448a11, etc. ; à « ôidai », Xénophon, Cyropédie, I, 4, 25 ; Platon, Lois, VIII, 835a, etc. ; particulièrement :
1 discours oratoires, discours, Aristote, Rhétorique, I, 1358a37, etc. (cf. « logographos, logopoios », etc.)
2 traité de philosophie, de morale, de médecine, etc. Hippocrate, Plutarque
3 ouvrage, en général ou partie d'un ouvrage, Xénophon, Cyropédie, IV, 5, 12, etc. ; « en tôi emprosthen logôi », Xénophon, Anabase, II, 1, 1 ; « en tôi prosthen logôi », Xénophon, Anabase, III, 1, 1, dans le livre précédent
IX par suite, au pluriel belles-lettres, scinces, études, en général : « hoi epi logois eudokimoi », Hérodien, 6, 1, les gens de lettres célèbres ; « hoi logoi », Anthologie palatine, 9, 171, lettres, littérature, compositions littéraires ; « hoi exôthen logoi », Eccl., les études du dehors, c'est-à-dire profanes
X par extension sujet d'entretien, d'étude ou de discussion (cf. la même relation de sens pour le mot « rhèma ») Hérodote, I, 21, etc. ; Attique ; « peri logou tinos dialegesthai », Platon, Apologie, 34e, s'entretenir d'un sujet d'étude ; « es logon tinos », Hérodote, III, 99 ; « pros logon tinos », Eschyle, Sept contre Thèbes, 519, ce dont il s'agit, l'objet en cause, en discussion, etc. ; « ean pros logon èi », Platon, Philèbe, 33c, si cela rentre dans le sujet ; « metechein tou logou », Hérodote, I, 127, participer à l'objet (de l'entretien) c'est-à-dire être dans le secret ; par suite :
1 point de départ d'une discussion, proposition, principe, Platon, Gorgias, 508b
2 définition, Platon, Phèdre, 245e, République, I, 343a, etc. ; Aristote, Métaphysique, Gamma, 1006a14, etc. ; Diogène Laërce, VII, 60
B raison, d'où :
I faculté de raisonner, raison, intelligence, Platon, Phèdre, 270c, Timée, 52c, etc. ; « ha malista tis an logôi laboi », Platon, Parménide, 135e, ce qu'on peut surtout saisir par la raison ; « ta logôi kai dianoiai lèpta », République, VII, 529d, ce que la raison et l'intelligence peuvent saisir ; « tôi logôi hepesthai », Platon, République, IX, 582e, IX, 586d, prendre la raison pour guide
II raison, bon sens : « orthos logos », Platon, Phédon, 73a ; Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 1138b25, etc. droite raison ; « ho eoikôs logos », Platon, Lois, I, 647d, la juste raison ; « meta logou », Platon, Timée, 28a, Théétète, 206e, etc. avec raison ; « kata logon », Platon, République, VI, 500c, etc. selon la raison ; « echein logon », Platon, Phédon, 62d , etc. être conforme à la raison, être juste ou raisonnable ; « pôs echei logon », Démosthène, Pour Phormion, 54, est-ce raisonnable ? « ouk echei logon », Sophocle, Électre, 466, cela n'a pas de raison ; « to para logon », (cf. « paralogos »), attique, ce qui est contraire à la raison ; « logos aitei », avec une proposition infinitive, attique, la raison exige que, etc.
III raison intime d'une chose, fondement, motif : « kata tina logon », Platon, République, II, 366b, sur quel fondement ? « ex oudenos logou », Sophocle, Philoctète, 730, sans aucune raison ; « ho logos aireei me », Hérodote, I, 132, etc. la raison de la chose me convainc ; « ho logos outôs aireei », avec une proposition infinitive Hérodote, III, 45, la raison des choses veut ainsi que, etc.
IV exercice de la raison, jugement, d'où :
1 opinion « apanta nikan logon », Sophocle, Oedipe à Colone, 1225, surpasser tout ce qu'on peut dire ou penser ; « kata ton emon ge logon », Grégoire de Nazianze, d'après mon sentiment
2 en bonne part : bonne opinion, estime, « logôi en smikrôi einai », Platon, République, VIII, 550a, être en médiocre estime ; « pleistou logou einai », Hérodote, I, 143 ; « elachistou logou einai », Hérodote, III, 146, être en très grande, en très petite estime ; « logou einai pros tinos », Hérodote, IV, 138, être estimé par quelqu'un ; « logou oudenos genesthai pros tinos », Hérodote, I, 120, ne jouir d'aucune considération dela part de quelqu'un ; « logon echein tinos », Hérodote, I, 62, 115, etc. ; « logon ischein peri tinos », Platon, Timée, 87c ou « peri tina », Lycurgue, 162, 27, faire cas de quelqu'un ou de quelque chose ; « logon tinos ouk echein oudena », Eschyle, Prométhée enchaîné, 231 ; « oudena logon poieisthai tinos », Hérodote, I, 4, etc. ; « en oudeni logôi poieisthai tina », Hérodote, III, 30, ne faire aucun cas de quelqu'un
3 par suite : compte qu'on fait de quelqu'un ou de quelque chose, valeur qu'on leur attribue, avec un génitif déterminatif : « en andros logôi einai », Hérodote, III, 120, être considéré comme un homme de haut rang ; « en andrapodôn logôi poieumenos », Hérodote, III, 125, considéré ou traité à l'égal d'esclaves ; par extension évaluation, en général : « hupo ton logon again ti », Polybe, 15, 34, 2, soumettre quelque chose à l'évaluation, en faire le calcul
4 relation, proportion, analogie : « ana ton auton logon », Platon, Phédon, 110d ; « eis ton auton logon », Platon, République, I, 353d ; « kata ton auton logon », Hérodote, I, 186, selon la même évaluation, dans la même proportion ; « pros logon tinos », Eschyle, Sept contre Thèbes, 519 ; « ana logon tinos », Platon, Timée, 29c, ou « tini », Platon, Second Alcibiade, 145d (cf. « analogos ») ; « kata logon tinos », Hérodote, I, 134, etc. eu égard à, relativement à, proportionnellement à quelque chose ; « kata logon tès dunameôs », Xénophon, Cyropédie, VIII, 6, 11, en raison de leur puissance ; terme de grammaire, « tôi logôi tôn metochikôn », Gramm. (Bkk. p. 1393), par analogie avec les participes
V compte-rendu, justification, explication : « logon heautôi didonai peri tinos », Hérodote, I, 97, se rendre compte de quelque chose ; avec « hoti », Hérodote, VI, 86 ; ou « hôs », Hérodote, IV, 102 ; Platon, Phédon, 95d, etc. se rendre compte que ; « aitein », attique (Platon, Politique, 285e, etc.), ou « apaitein peri tinos », attique (Démosthène, Contre Onètor 1, 15) demander compte à quelqu'un, se faire rendre compte par quelqu'un ; « logon didonai tinos », Hérodote, III, 143 ; attique ; ou « parechein », Platon, République, I, 344d, rendre raison, rendre compte de quelque chose ; « logon dounai kai dexasthai », Platon, Protagoras, 336c, rendre compte et recevoir le compte-rendu de quelque chose ; « logon lambanein para tinos », Démosthène, Sur le Chersonèse, 47, recevoir de quelqu'un le compte-rendu (de quelque chose)
VI opinion au sujet d'une chose à venir, présomption, attente, Hérodote, VIII, 6, etc. ; « epi tôi logôi hôste », Hérodote, III, 36, dans l'attente que, etc.
VII postérieurement au sens philosophique et religieux :
1 au sens philosophique le « logos » divin, la raison divine, Hermès Trismegiste, Poème, 3, 2, 15, etc. ; Plutarque, Morales, 376c, 381b, 568d, etc. ; Philon d'Alexandrie, 1, 4, 5, 6, etc.
2 au sens religieux, le Verbe divin, NT, Jn, 1,1-14 ; 1 Ep., 1, 1 ; Apoc., 19, 13 ; Celse (Origène, 1, 852a, Migne) ; Grégoire de Nazianze, 2, 424b, Migne
Logos est le substantif dérivé du verbe legein dont le sens originel, selon Chantraine (Dictionnaire étymologique de la langue grecque), est « rassembler, cueillir, choisir » (cf. Iliade, XXIII, 239 ; Iliade, XXI, 27), d'où dérive le sens de « compter, dénombrer » (cf. Iliade, II, 125 ; etc.) et aussi parfois celui de « énumérer » (Odyssée, XI, 374 ; XII, 165 ; etc.), « débiter des injures » (Iliade, II, 222), et au moyen « bavarder, discourir » (Iliade, XIII, 275, 292). C'est de ce dernier sens que découle le sens de « raconter, dire » devenu le plus usuel, et donc le sens de « parole » de logos. Mais on retrouve aussi dans logos des sens dérivés d'autres sens de legein, comme celui de « compter » qui réapparaît dans le verbe logizesthai, lui-même dérivé de logos, qui signifie « compter, calculer », d'abord au sens purement mathématique, mais aussi dans des sens non strictement mathématiques que l'on retrouve dans le français « calcul » ou « calculer » pour parler de plans d'action, de réflexion sur l'avenir, etc.
La plupart de ces divers sens de logos sont attestés dès l'époque de Socrate et Platon, et il nous est difficile de réaliser l'influence qu'a pu avoir sur les grecs d'alors le fait qu'un même mot servait à désigner des choses aussi différentes pour nous que la parole, le discours, le rapport mathématique, la raison, le calcul au sens mathématique et au sens analogique et bien d'autres choses encore, même s'il nous en reste des traces en français, via le latin, dans le fait que le mot français « raison », dérivé du latin « ratio », qui avait repris certains des sens de logos, désigne à la fois notre faculté de penser et de « raisonner » et un rapport mathématique, la « raison » d'une progression, et qu'on parle encore de nombres « irrationnels » pour parler des nombres qui ne peuvent s'exprimer sous la forme d'une fraction, c'est-à-dire qui n'ont pas de « raison », de « rapport » l'un avec l'autres, puisqu'on ne peut trouver une « unité », si petite soit-elle, dont ils soient tous deux multiples (2). On pourrait presque dire qu'une des clés d'entrée dans la problématique que pose Platon à traves ses dialogues est cette multiplicité des sens de logos et qu'un de ses objectifs premiers est de nous aider à tirer au clair les différentes réalités qui se désignent pour lui et ses contemporains par un même mot. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre son opposition à la rhétorique et aux rhéteurs de son temps : si en effet ce qui distingue l'homme des autres animaux, c'est d'être doué de logos, comme il le suggère sans le dire aussi clairement (3), reste à savoir en quel(s) sens il faut entendre de logos. Suffit-il de parler pour être un homme digne de ce nom ? L'éducation doit-elle se limiter à apprendre aux jeunes gens à faire de beaux discours, convaincants à défaut d'être vrais, comme le laisse entendre Gorgias dans le dialogue qui porte son nom ? Ou bien le logos est-il aussi, et peut-être même d'abord, un « don » divin, cette theia moira dont il est question dans plusieurs dialogues (voir par exemple Ménon, 99e6, et la note 48 à ma traduction de la dernière section de ce dialogue) et qu'il ne tient qu'à nous de bien utiliser, afin en particulier de parvenir, au moyen du langage mais en le dépassant, en ne se laissant pas piéger par lui, en sachant n'y voir qu'un outil construit avec des mots qui ne sont que des « images », aux réalités qui sont au delà de lui, matérielles pour certaines, purement intelligibles pour d'autres, et en particulier à l'idée du bien qui donne sens à notre vie et permet d'orienter notre action ? Et ne serait-ce pas finalement cela le dialegesthai, plus encore que le simple « dialogue » entre individus ?... Bref, la finalité de ce logos dont nous sommes seuls pourvus parmi les animaux n'est-elle que de nous donner un moyen d'agir sur les autres hommes par la seule persuasion si nous savons bien parler, comme le pense Gorgias, et avec lui la plupart des Sophistes et des rhéteurs contemporains de Socrate et Platon, ou est-elle de nous donner accès à un au-delà des mots et même des réalités purement matérielles qui nous permettra de donner « sens » à notre vie et d'orienter notre action (ergon) en vue du bien ?...
(1) On peut aussi consulter, dans une autre page de ce site, la rubrique consacrée à logos dans le Greek-English Lexicon de Liddell-Scott-Jones. On notera que ce dictionnaire liste les divers sens de logos dans un ordre à peu près inverse de celui du Bailly, peut-être suggéré par ce qui pourrait être l'ordre de dérivation des sens de legein dont est tiré logos. (<==)
(2) Ces nombres, découverts de son temps, étaient connus de Platon, et un tel nombre était justement alors appelé « alogon ». La problématique des nombres alogôn est sous-jacente au problème posé par Socrate au jeune esclave dans le Ménon, puisque la mesure de la diagonale d'un carré, sur laquelle se construit le carré de surface double d'un carré donné, est dans le « rapport » irrationnel racine de deux avec ce côté, ce qui signifie qu'il n'est pas possible de trouver un nombre n tel que, si on fractionne le côté du carré de départ en n parties égales (c'est-à-dire si l'on utilise une « unité » à l'aide de laquelle la mesure du côté du carré se représente par un nombre entier n), la mesure de la diagonale de ce même carré pourra s'exprimer par un autre nombre entier p en utilisant cette unité de mesure, c'est-à-dire sera égale à p fois la n-ième partie du côté (voir là-dessus ma traduction de cette section du Ménon, et en particulier la note 28). (<==)
(3) Aristote le dira plus clairement, lorsqu'au début de l'Étique à Nicomaque (Éthique à Nicomaque, I, 1097b24-1098a20), il cherche, en se souvenant des analyses de l'âme de la République, quel est l'ergon (l'acte, l'activité, l'œuvre) propre de l'homme en général et le trouve dans « une mise en œuvre effective du fait d'avoir un logon (praktikè tis tou logon echontos) » (1098a3) ou, dit autrement, dans « la mise en action de l'âme selon le logon (psuchès energeia kata logon) » (1098a7). (<==)