© 2006 Bernard SUZANNE Dernière mise à jour le 27 juin 2015
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On trouvera dans cette page le texte grec et la traduction de tous les passages des dialogues dans lesquels apparaissent les termes :

ainsi que les références des 50 occurrences de anoètos (adjectif) et des 8 occurrences de anoètôs (adverbe).

Tous ces termes sont dérivés de la racine noos (contracté en nous), dont le sens général est, selon Chantraine (Dictionnaire étymologique de la langue grecque), « intelligence, esprit en tant qu'il perçoit et qu'il pense », avec la précision que « cette pensée peut être mélangée à un sentiment et il en résulte que les champs sémantiques de noos et thumos se recouvrent partiellement », tout comme le verbe noein qui décrit l'action du noos et signifie, toujours selon Chantraine, « voir, percevoir », distingué de idein, et, suivi de l'infinitif, « avoir dans l'idée de ». On trouvera dans une autre page de ce site une définition plus complète de noos et noein, ainsi que la liste des références à toutes les occurrences de ces termes dans les dialogues.

Noèton est le neutre de l'adjectif verbal en -tos issu du verbe noein. Une telle forme marque en principe la possibilité, tout comme les adjectifs français en -able (ex.: « pensable », à partir de « penser ») ou -ible (ex.: « possible », à partir de « pouvoir »). Mais ces formes peuvent aussi équivaloir à un simple participe passé. De plus, ces adjectifs verbaux peuvent avoir un sens passif (ici « pensable » dans le sens de « qui peut être pensé », ou simplement « qui est pensé », équivalent au participe passé) ou actif (ici « doué d'intelligence », c'est-à-dire « qui peut penser »). Pour noèton, Chantraine donne seulement le sens de « mental » (le mot latin mens, dont dérive « mental », est l'équivalent latin du grec nous).
On notera que, parmi les 49 occurrences de noèton que recense le site Perseus (voir la liste de ces occurrences) dans les classiques grecs (1), à côté des 27 occurrences trouvées dans les dialogues de Platon, toutes les autres occurrences sont dans des ouvrages d'Aristote : 21 dans la Métaphysique et une dans l'Étique à Nicomaque (2). On trouve néanmoins noèton avant Platon dans le fragment VIII de Parménide, au vers 8, dans la phrase suivante : « out' ek mè eontos easô/ phasthai s' oude noein· ou gar phaton oude noèton/ estin hopôs ouk esti », que l'on peut traduire « depuis un non étant, je ne te laisserai ni dire ni penser ; car ça n'est pas dicible ni pensable quand ça n'est pas ». (3) Le terme semble donc rare avant Platon et semble avoir une forte connotation « métaphysique ». Il est par ailleurs probable que son emploi par Parménide, dans les vers cité qui nous ont été conservés, et peut-être dans d'autres perdus, ait influencé Platon dans l'usage qu'il en fait en l'amenant à réfléchir sur ce qui est « pensable », non pas tant par rapport à ce qui est « dicible » (4), mais par rapport à ce qui est « visible (horaton) », comme on le verra dans les extraits ci-dessous.
L'adjectif verbal noèton est en effet très souvent mis en opposition chez Platon avec un autre adjectif verbal de même forme, horaton, construit, lui, sur le verbe horan, « voir », et qui signifie donc « visible » (dans les citations ci-dessous des occurrences de noèton, horaton apparaît en vert lorsqu'il est présent dans la même section que noèton ; mais il faut noter que même lorsque le mot horaton n'apparaît pas dans la même phrase que noèton, le contexte plus large montre que l'opposition noèton/horaton est le plus souvent présente et que des termes renvoyant à la vue ne sont pas bien loin ; ainsi en particulier, toute l'analogie de la ligne, à la fin du livre VI de la République, dans laquelle figurent 7 occurrences de noèton, est construite autour de cette distinction).
Dans le contexte d'opposition entre horaton et noèton qui est le plus souvent celui de Platon, la plupart des traducteurs français aussi bien qu'anglais traduisent horaton par « visible » et noèton par « intelligible » (voir, pour les traductions en français, les entrées relatives à noèton dans la page de ce site consacrée au vocabulaire de la ligne : seul des traducteurs que j'ai consultés, Cazeaux traduit noèton par un terme autre qu'« intelligible », à savoir, « spirituel »). Mais cette traduction a le défaut de trop mettre l'accent sur le caractère compréhensible par l'intelligence de ce dont il est question, alors qu'il s'agit simplement de mettre en évidence le fait qu'il est appréhendable par le nous, par la pensée, mais pas nécessairement compris, ou même compréhensible, au moins par celui qui le pense, tout comme horaton indique que ce qui est « visible » est appréhendable par la vue, sans que cela implique que celui qui le voit puisse reconnaître ce dont il s'agit et en avoir une vision claire et précise, par exemple du fait de la distance, ou de l'éclairage, ou de défauts dans sa vision, etc. « Pensable » serait plus proche de ce que veut exprimer Platon avec noèton, mais à condition de prendre le mot dans son sens intuitif, qu'il n'a pas en français, où il n'est utilisé que comme synomyne de « croyable, imaginable, concevable », et presque toujours dans des tournures négatives (« ce n'est pas pensable ! »).
Il est intéressant de constater que, si noètos reste rare avant Platon, son contraire, l'adjectif anoètos et la forme adverbiale associée anoètôs, sont, eux, d'un usage plus fréquent et moins spécialisé. Parmi les 181 occurrences de ces termes recensées par Perseus (voir liste sur le site Perseus), 68 se trouvent dans des auteurs antérieurs à Platon ou contemporains de lui : 2 dans Sophocle, 10 dans Aristophane, 3 dans Hérodote, 1 dans Thucydide, 6 dans Lysias, 6 dans Xénophon, 23 dans Isocrate et 17 dans Démosthène. Ce terme est souvent employé pour qualifier une personne dans le sens actif de « incapable de penser », c'est-à-dire « sot, idiot ». Mais on peut aussi le trouver comme contraire du noèton évoqué plus haut : ainsi quelques vers plus loin dans le fragment de Parménide cité plus haut, au vers 18, l'auteur caractérise l'une des deux options qui s'offrent à lui, entre « estin (c'est) » et « ouk estin (ça n'est pas) », non plus comme ou noèton et ou phaton, mais comme « anoèton anônumon (impensable anonyme) ».
Les occurrences de noèton comme celle de tous les autres mots analysés, sont listées dans l'ordre des dialogues tel que je le présente par ailleurs.

La République

On notera, dans ces premières apparitions de l'adjectif noèton dans les dialogues, la grande diversité des mots (en rouge dans le texte pour les mettre en relief) employés pour désigner ce qui est qualifié de noèton (ou, par opposition, d'horaton) : topos, genos, eidos. La métaphore est tantôt spaciale (topos), tantôt « génétique » (genos), tantôt sensible/visuelle (eidos). Mais on pourra aussi remarquer que le sens dans lequel est pris eidos lorsqu'il est qualifié de noèton dans la République (N3 et N5), où il désigne collectivement l'ensemble de ce qui est soit « visible », soit « intelligible » (d'où sa traduction par « sortes » ous « espèces »), n'est pas le même que dans le Sophiste (N18), où il désigne individuellement chacune des entités dites « intelligibles » (d'où sa traduction par « formes », cf. note 7).

[N1]
508c1
République, VI, 508b12-c2 (analogie du soleil et du bon)
« Touton toinun, èn d' egô, phanai me legein ton tou agathou ekgonon, hon tagathon egennèsen analogon heautôi, hotiper auto en tôi noètôi topôi pros te noun kai ta nooumena, touto touton en tôi horatôi pros te opsin kai ta horômena. » « Eh bien donc, c'est lui, repris-je, que je voulais dire en parlant de l'« enfant du bon », que le bon a engendré analogue à lu, ce que précisément lui-même est dans le domaine intelligible par rapport à l'intelligence et aux *** perçus par l'intelligence, celui-là l'étant dans le visible par rapport à la vue et aux *** vus. »
[N2]
509d2
République, VI, 509d1-4 (analogie de la ligne)
« Noèson toinun, èn d' egô, hôsper legomen, duo autô einai, kai basileuein to men noètou genous te kai topou, to d' au horatou, hina mè ouranou eipôn doxô soi sophizesthai peri to onoma. » « Pense-les donc, repris-je, comme nous le disons, être deux et régner l'un sur l'espèce et le domaine intelligible, l'autre par contre sur [l'espèce et le domaine] visible – [je dis « visible »] pour que je ne te paraisse pas, en disant « ciel », faire mon sophiste à propos du mot »
[N3]
509d4
République, VI, 509d4 (analogie de la ligne)
« All' oun echeis tauta ditta eidè, horaton, noèton; » « Mais saisis-tu donc bien ces deux apparences, (5) visible, intelligible/pensable ? »
[N4]
510b2
République, VI, 510b2 (analogie de la ligne)
« Skopei dè au kai tèn tou noètou tomèn hèi tmèteon. » « Examine maintenant aussi à son tour la section de l'intelligible, de quelle manière ça doit être segmenté. »
[N5]
511a3
République, VI, 511a3-8 (analogie de la ligne)
« Touto toinun noèton men to eidos elegon, hupothesesi d' anankazomenèn psuchèn chrèsthai peri tèn zètèsin autou, ouk ep' archèn iousan, hôs ou dunamenèn tôn hupotheseôn anôterô ekbainein, eikosi de chrômenèn autois tois hupo tôn katô apeikastheisin kai ekeinois pros ekeina hôs enargesi dedoxasmenois te kai tetimèmenois. » « Eh bien, je disais en effet intelligible cette apparence, mais l'âme contrainte de/se contraignant à se servir de soutiens dans sa recherche sur elle, n'allant pas jusqu'à un principe (directeur), comme n'ayant pas le pouvoir de s'élever plus haut que les soutiens, mais se servant à titre d'images des choses mêmes qui sont copiées par celles d'en bas et, celles-là par rapport à ces autres-là, parce qu'en mettant plein la vue, réputées et estimées. » (6)
[N6]
511b3
République, VI, 511b3-c2 (analogie de la ligne)
« To toinun heteron manthane tmèma tou noètou legonta me touto hou autos ho logos haptetai tèi tou dialegesthai dunamei, tas hupotheseis poioumenos ouk archas alla tôi onti hupotheseis, hoion epibaseis te kai hormas, hina mechri tou anupothetou epi tèn tou pantos archèn iôn, hapsamenos autès, palin au echomenos tôn ekeinès echomenôn, houtôs epi teleutèn katabainèi, aisthètôi pantapasin oudeni proschrômenos, all' eidesin autois di' autôn eis auta, kai teleutai eis eidè. » « Entends donc [ce qu'il en est de] l'autre segment de l'intelligible lorsque je parle de ce que le raisonnement lui-même atteint par le pouvoir du dialegesthai, faisant des soutiens, non des principes (directeurs), mais réellement des soutiens [utilisés] comme voies d'approche et tremplins pour que, allant jusqu'à ce [qui n'est] pas [lui-même] posé pour soutenir [autre chose], vers le principe (directeur) du tout, puis, ayant mis la main dessus, y rattachant en retour ce qui s'y rattach, il redescende ainsi jusqu'à une fin, ne se servant en outre d'absolument rien de sensible, mais qu'avec les apparences elles-mêmes à travers elles et en elles, il finisse aussi dans des apparences. »
[N7]
511c6

[N8]
511d2
République, VI, 511c3-d2 (analogie de la ligne)
« Manthanô, ephè, hikanôs men ou—dokeis gar moi suchnon ergon legein—hoti mentoi boulei diorizein saphesteron einai to hupo tès tou dialegesthai epistèmès tou ontos te kai noètou theôroumenon è to hupo tôn technôn kaloumenôn, hais hai hupotheseis archai kai dianoiai men anankazontai alla mè aisthèsesin auta theasthai hoi theômenoi, dia de to mè ep' archèn anelthontes skopein all' ex hupotheseôn, noun ouk ischein peri auta dokousi soi, kaitoi noètôn ontôn meta archès. » « J'entends, dit-il (c'est Glaucon qui parle), certainement pas convenablement, car tu m'as l'air de parler d'un travail de longue haleine, que pourtant tu veux expliquer qu'est plus clair ce qui, de ce qui est et de plus [est] intelligible, est observé sous la conduite de la science du dialegesthai que ce qui [l'est] sous la conduite de ce qu'on appelle « arts », où les soutiens [sont] principes (directeurs) et ceux qui contemplent sont contraints en effet de/se contraignent en effet à contempler ces choses par la réflexion, et non pas par les sens, mais du fait qu'ils examinent, non pas en remontant jusqu'à un principe (directeur), mais à partir de soutiens, ils t'ont l'air de ne pas posséder l'intelligence de ces choses, quoiqu'elles soient intelligibles avec un principe (directeur). »
[N9]
517b5
République, VII, 517a8-b6 (explication de l'allégorie de la caverne)
« Tautèn toinun, èn d' egô, tèn eikona, ô phile Glaukôn, prosapteon hapasan tois emprosthen legomenois, tèn men di' öpseôs phainomenèn hedran tèi tou desmôtèriou oikèsei aphomoiounta, to de tou puros en autèi phôs tèi tou hèliou dunamei· tèn de anô anabasin kai thean tôn anô tèn eis ton noèton topon tès psuchès anodon titheis ouch hamartèsèi tès g' emès elpidos, epeidè tautès epithumeis akouein. » « Ainsi donc, cette image, repris-je, ami Glaucon, il faut l'appliquer en totalité a ce qui a été dit auparavant, assimilant d'une part la place rendue apparente par la vue à l'habitation de la prison, d'autre part la lumière du feu en elle à la puissance du soleil ; la montée en haut d'autre part, et la contemplation des choses d'en haut, en la regardant comme la route ascendante de l'âme vers le domaine intelligible, tu ne te tromperas certes pas sur mon espérance, puisque tu désires entendre parler d'elle. »
[N10]
517c3
République, VII, 517b7-c5 (explication de l'allégorie de la caverne)
« Ta d' oun emoi phainomena houtô phainetai, en tôi gnôstôi teleutaia hè tou agathou idea kai mogis horasthai, ophtheisa de sullogistea einai hôs ara pasi pantôn hautè orthôn te kai kalôn aitia, en te horatôi phôs kai ton toutou kurion tekousa, en te noêtôi autê kuria alêtheian kai noun paraschomenê, kai hoti dei tautèn idein ton mellonta emphronôs praxein è idiai è dèmosiai. » « À moi, en tout cas, les apparences m'apparaissent ainsi : dans le connaissable, l'ultime est l'idée du bien, et elle est vue avec peine, mais une fois vue, elle force à déduire par raisonnement qu'elle est, et comment donc ! pour toutes choses cause de tout ce qui est droit et beau, et dans le visible, enfantant la lumière et son souverain, et dans l'intelligible, souveraine elle-même, procurant de son propre fond vérité et intelligence, et que doit la voir quiconque est destiné à agir sensément dans la vie privée ou dans la vie publique. »
[N11]
524c13
République, VII, 524c3-13 (formation du philosophe)
« Mega mèn kai opsis kai smikron heôra, phamen, all' ou kechôrismenon alla sunkechumenon ti. è gar;
Nai.
Dia de tèn toutou saphèneian mega au kai smikron hè noèsis ènankasthè idein, ou sunkechumena alla diôrismena, tounantion è 'keinè.
Alèthè.
Oukoun enteuthen pothen prôton eperchetai eresthai hèmin ti oun pot' esti to mega au kai to smikron;
Pantapasi men oun.
Kai houtô dè to men noèton, to d' horaton ekalesamen.
 »
« Et la vue a bien vu grand et petit, disons-nous, mais comme quelque chose non pas séparé, mais confondu, n'est-ce pas ?
Oui.
Alors qu'à cause de l'évidence de tout ça, l'intelligence a été contrainte pour sa part de voir grand et petit, non pas confondus, mais séparés, au contraire de celle-là.
Vrai.
N'est-ce donc pas par suite de quelque chose comme ça qu'il nous arrive tout d'abord de nous demander ce que peut donc bien être le grand et le petit ?
Mais oui, tout à fait.
Et alors ainsi, nous avons cité à comparaître l'intelligible d'une part, le visible d'autre part !
 »
[N12]
532a2

[N13]
532b2
République, VII, 532a1-b2 (le dialegesthai)
« Oukoun, eipon, ô Glaukôn, houtos èdè autos estin ho nomos hon to dialegesthai perainei; hon kai onta noèton mimoit' an hè tès opseôs dunamis, hèn elegomen pros auta èdè ta zôia epicheirein apoblepein kai pros auta <ta> astra te kai teleutaion dè pros auton ton hèlion. Houtô kai hotan tis tôi dialegesthai epicheirèi aneu pasôn tôn aisthèseôn dia tou logou ep' auto ho estin hekaston horman, kai mè apostèi prin an auto ho estin agathon autèi noèsei labèi, ep' autôi gignetai tôi tou noètou telei, hôsper ekeinos tote epi tôi tou horatou. » « Eh bien, dis-je, Glaucon, n'est-ce pas alors celle-ci la partition (7) même que le dialegesthai conduit jusqu'à son terme ? Celle que, bien qu'elle soit [d'ordre] intelligible, mimerait le pouvoir de la vue que nous avons dit entreprendre de tourner d'abord les yeux vers les vivants eux-mêmes, puis vers les astres eux-mêmes et puis même finalement vers le soleil lui-même. Et ainsi, chaque fois que quelqu'un, par le dialegesthai, entreprend, sans toutes les sensations, par le logos, de s'élancer vers cela même qu'est chaque chose, et ne renonce pas avant que cela même qu'est le bien, il l'ait saisi par l'intelligence elle-même, il parvient au terme même de l'intelligible, comme l'autre tout à l'heure à celui du visible. »
[N14]
534a7
République, VII, 533e7-534a8 (le dialegesthai)
« Areskei oun, èn d' egô, hôsper to proteron, tèn mèn prôtèn moiran epistèmèn kalein, deuteran de dianoian, tritèn de pistin kai eikasian tetartèn· kai sunamphotera men tauta doxan, sunamphotera d' ekeina noèsin· kai doxan men peri genesin, noèsin de peri ousian· kai ho ti ousia pros genesin, noèsin pros doxan, kai ho ti noèsis pros doxan epistèmèn pros pistin kai dianoian pros eikasian· tèn d' eph' hois tauta analogian kai diairesin dichèi hekaterou, doxastou te kai noètou, eômen, ô Glaukôn, ina mè hèmas pollaplasiôn logôn emplèsèi, è hosôn hoi parelèluthotes. » « Il suffit donc, repris-je, comme auparavant, d'appeler la première part « science », la deuxième « réflexion », la troisième « croyance » et « imagination » la quatrième ; et ces deux-là ensemble, « opinion », et les deux autres, « intelligence » ; et opinion d'une part [est] à propos de devenir, intelligence d'autre part à propos d'ousian (8) ; et ce qu'[est] ousia par rapport à devenir, intelligence [l'est] par rapport à opinion, et ce qu'[est] intelligence par rapport à opinion, science [l'est] par rapport à croyance et réflexion par rapport à imagination ; mais l'analogie avec ce sur quoi ces choses [portent] et la division en deux de chacun des deux, opinable et intelligible, laissons tomber, Glaucon, pour ne pas nous rassasier de discours beaucoup plus longs que ceux qui ont précédé. »

Phédon

[N15]
80b1
Phédon, 80a10-b5
« Skopei dè, ephè, ô Kebès, ei ek pantôn tôn eirèmenôn tade hèmin sumbainei, tôi men theiôi kai athanatôi kai noètôi kai monoeidei kai adialutôi kai aei hôsautôs kata tauta echonti heautôi homoiotaton einai psuchè, tôi de anthrôpinôi kai thnètôi kai polueidei kai anoètôi kai dialutôi kai mèdepote kata tauta echonti heautôi homoiotaton au einai sôma. » « Examine maintenant, dit-il, Cébès, si, de tout ce qui a été dit, ce que voici résulte pour nous : d'une part, au divin et immortel et intelligible et un dans sa forme et indivisible et qui est toujours identiquement en tous points le même en soi, [c'est à cela qu']est le plus semblable l'âme ; d'autre part, à l'humain et mortel et multiple dans sa forme et initelligible et divisible et qui n'est jamais en tous points le même en soi, [c'est à cela qu']est au contraire le plus semblable le corps. »
[N16]
81b7
Phédon, 81b1-c2
« Ean de ge oimai memiasmenè kai akathartos tou sômatos apallattètai, hate tôi sômati aei sunousa kai touto therapeuousa kai erôsa kai goèteuomenè hup' autou hupo te tôn epithumiôn kai hèdonôn, hôste mèden allo dokein einai alèthes all' è to sômatoeides, hou tis an hapsaito kai idoi kai pioi kai phagoi kai pros ta aphrodisia chrèsaito, to de tois ommasi skotôdes kai aides, noèton de kai philosophiai haireton, touto de eithismenè misein te kai tremein kai pheugein, houtôdè echousan oiei psuchèn autèn kath' hautèn eilikrinè apallaxesthai; » « Mais, je pense, pour peu qu'au contraire elle [l'âme] se sépare du corps souillée et non purifiée, en tant qu'ayant toujours été unie au corps et en ayant pris soin et l'ayant aimé et ayant été ensorcelée par lui sous l'effet des passions et des plaisirs au point que rien d'autre ne [lui] semblait être vrai hormis le corporel, ce que l'on peut toucher et voir et boire et manger et utiliser pour les plaisirs de l'amour, mais ce qui, aux yeux, est obscur et informe, mais intelligiblle et saisissable par la philosophie, habituée, cela par contre, à le haïr et à la craindre et à le fuir, s'il en est ainsi, crois-tu que l'âme se séparera [du corps] clairement distincte et telle qu'en elle-même ? »
[N17]
83b4
Phédon, 83a1-b4
« Hoper oun legô, gignôskousin hoi philomatheis hoti houtô paralabousa hè philosophia echousan autôn tèn psuchèn èmera paramutheitai kai luein epicheirein , endeiknumenè hoti apatès men mestè hè dia tôn ommatôn skepsis, apatès de hè dia tôn ôtôn kai tôn allôn aisthèseôn, peithousa de ek toutôn men anachôrein, hoson mè anagkè autois chrèsthai, autèn de eis hautèn sullegesthai kai hathroizesthai parakeleuomenè, pisteuein de mèdeni allôi all' è autèn hautèi , hoti an noèsèi autè kath' hautèn auto kath' hauto tôn ontôn· hoti d' an di' allôn skopèi en allois on allo, mèden hègeisthai alèthes· einai de to men toiouton aisthèton te kai horaton, ho de autè horai noèton te kai aides. » « En fait, ce que je veux dire, c'est qu'ils savent bien, ceux qui aiment apprendre, que la philosophie, s'emparant de leur âme ainsi disposée, entreprend doucement de l'apaiser par ses discours et de la détacher, montrant qu'est pleine de tromperie l'investigation par les yeux, de tromperie encore celle [menée] par les oreilles et les autres sens, et la persuadant de s'en extirper tout autant qu'il n'est pas nécessaire d'y avoir recours, et l'exhortant à se recueillir et à se concentrer en elle-même et à ne se fier à rien d'autre qu'à elle-même, à tout cela même en tant que tel qu'elle peut penser elle-même en tant que telle de ce qui est, tout ce que par contre elle examine par d'autres [moyens] étant autre en d'autres [circonstances], à n'en rien croire vrai, car cela est sensible et visible, alors que ce qu'elle voit elle-même est intelligible et aussi invisible. »

Sophiste

[N18]
246b7
Sophiste, 246b6-8
(la position des « Amis des formes » (« tous tôn eidôn philous », 248a4)
face aux « Fils de la terre » (« gègeneis », 248c2))
« XENOS – Toigaroun hoi pros autous amphisbètountes mala eulabôs anôthen ex aoratou pothen amunontai, noèta atta kai asômata eidè biazomenoi tèn alèthinèn ousian einai. » « L'ÉTRANGER – Voilà donc pourquoi ceux qui argumentent contre eux, c'est avec beaucoup de précautions que, de quelque part d'invisible tout là-haut, ils se défendent, forçant certaines formes (9) intelligibles et incorporelles à être la veritable richesse des êtres (10) »

Timée

[N19]
30c7

[N20]
31a5
Timée, 30c2-31a5 (le modèle du « monde »)
« Toutou d' huparchontos au ta toutois ephexès lekteon, tini tôn zôiôn auton eis homoiotèta ho sunistas sunestèsen. Tôn men oun en merous eidei pephukotôn mèdeni kataxiôsômen—atelei gar eoikos ouden pot' an genoito kalon—hou d' estin talla zôia kath' hen kai kata genè moria, toutôi pantôn homoiotaton auton einai tithômen. Ta gar dè noèta zôia panta ekeino en heautôi perilabon echei, kathaper hode hokosmos hèmas hosa te alla thremmata sunestèken horata. Tôi gar tôn nooumenôn kallistôi kai kata panta teleôi malista auton ho theos homoiôsai boulètheis zôion hen horaton, panth' hosa autou kata phusin sungenè zôia entos echon heautou, sunestèse. Poteron oun orthôs hena ouranon proseirèkamen, è pollous kai apeirous legein èn orthoteron; hena, eiper kata to paradeigmadedèmiourggèmenos estai. To gar periechon panta hoposa noèta zôia meth' heterou deuteron ouk an pot' eiè. » « Cela établi [que l'univers (kosmos) est un vivant (zôion) doté d'une âme (empsuchon) et d'un esprit (ennoun)], il nous faut à présent dire ce qui suit ces choses-là, à la ressemblance duquel des vivants l'assembleur l'a assemblé. Eh bien donc, estimons que ce n'est à [celle de] rien de ce qui atteint son plein développement sous forme de partie—car rien de semblable à quelque chose d'inachevé ne pourra jamais devenir beau—mais ce dont les autres vivants, selon l'unité et selon l'espèce, sont une partie, posons que c'est à cela qu'il est le plus semblable en toutes [choses]. Car en effet celui-là se trouve englober tous les vivants intelligibles, tout comme cet univers-ci nous rassemble, nous et toutes les autres créatures visibles autant qu'elles sont. Car le dieu, voulant le rendre semblable au plus beau de ce qui se conçoit par l'esprit et à ce qui est en tous points le plus parfait, c'est un unique vivant visible, ayant en lui tous les vivants autant qu'ils sont qui lui sont apparentés selon la nature, qu'il assembla. Est-ce donc à bon droit que nous affirmons un ciel unique, ou bien était-il plus conforme au bon droit de dire qu'ils sont multiples et infinis ? Unique, il le sera si tant est qu'il ait été façonné selon le modèle. Car ce qui contient tous les vivants intelligibles autant qu'ils sont, qu'il soit second par rapport à un autre, ça n'est pas possible. »
[N21]
37a1
Timée, 36e5-37a2 (création de l'âme du « monde »)

« Kai to men dè sôma horaton ouranou gegonen, autè de aoratos men, logismou de metechousa kai harmonias psuchè, tôn noètôn aei te ontôn hupo tou aristou aristè genomenè tôn gennèthentôn. »

« Et dès lors d'une part le corps visible du ciel était né, d'autre part cette âme elle-même, invisible certes mais ayant part au calcul et à l'hamonie, sous l'action du meilleur de ceux qui sont intelligibles et toujours, née la meilleure des [êtres] engendrés.  »

[N22]
39e1
Timée, 39d7-e2 (génération des planètes)
« Kata tauta dè kai toutôn heneka egennèthè tôn astrôn hosa di' ouranou poreuomena eschen tropas, hina tode hôs homoiotaton èi tôi teleôi kai noètôi zôiôi pros tèn tès diaiônias mimèsin phuseôs. » « De cette manière donc et pour ces raisons furent engendrés tous ceux des astres si nombreux qui, en voyagant à travers le ciel, ont des révolutions, afin que celui-ci soit le plus semblable possible au vivant accompli et intelligible du fait de son imitation de la nature éternelle. »
[N23]
48e6
Timée, 48e3-49a1 (introduction du « réceptacle » de la création)
« Tote men gar duo eidè dieilometha, nun de triton allo genos hèmin dèlôteon. Ta men gar duo hikana èn epi tois emprosthen lechtheisin, hen men hôs paradeigmatos eidos hupotethen, noèton kai aei kata tauta on, mimèma de paradeigmatos deuteron, genesin echon kai horaton. » « Alors en effet nous avions distingué deux sortes [d'êtres], mais maintenant c'est un troisième genre, autre, qu'il nous faut mettre en évidence. Car en effet ces ceux-là étaient suffisants pour ce qui a été dit auparavant, l'un supposé comme une sorte de modèle, intelligible et étant toujours le même, le deuxième imitation du modèle, ayant une origine/un devenir (11) et visible. »
[N24]
51b1
Timée, 51a4-b2 (conclusion de la description du « réceptacle »)
« Dio dè tèn tou gegonotos horatou kai pantôs aisthètou mètera kai hupodochèn mète gèn mète aera mète pur mète hudôr legômen, mète hosa ek toutôn mète ex hôn tauta gegônen· all' anoraton eidos ti kai amorphon, pandeches, metalambanon de aporôtata pèi tou noètou kai dusalôtotaton auto legontes ou pseusometha. » « Eh bien voilà pourquoi la mère et le réceptacle de ce qui nait visible et tout à fait perceptible par les sens, ne la disons ni terre, ni air, ni feu, ni eau, ni rien qui vient de ces choses-là, ni desquelles naissent ces choses-là ; mais en disant ça une sorte de chose invisible et sans forme, recevant tout, mais prenant part à l'intelligible d'une manière qui plonge dans le plus grand embarras et qui est très difficile à comprendre »
[N25]
51c5
Timée, 51b7-c5 (introduction de la question des « idées »)
« Ara estin ti pur auto eph' heautou kai panta peri hôn aei legomen houtôs auta kath' hauta onta hekasta, è tauta haper kai blepomen, hosa te alla dia tou sômatos aisthanometha, mona estin toiautèn echonta alètheian, alla de ouk esti para tauta oudamèi oudamôs, alla matèn hekastote einai ti phamen eidos hekastou noèton, to d' ouden ar' èn plèn logos; » « Existe-t-il donc quelque feu même en soi et tout ce à propos de quoi nous disons de la même façon que chacun est toujours même par rapport à soi-même, ou bien ce que justement nous voyons, toutes ces autres choses que nous percevons aussi par l'entremise du corps, cela seulement est en possession d'une telle vérité et par contre il n'est rien en dehors de ça nulle part en aucune manière, mais c'est en vain que chaque fois nous disons être une certaine forme intelligible de chacun, ce qui ne serait en fait rien d'autre qu'une parole ? »
[N26]
92c7
Timée, 92c5-9 (conclusion générale du discours de Timée)
« Thnèta gar kai athanata zôia labôn kai sumplèrôtheis hode ho kosmos houtô, zôion horaton ta horata periechon, eikôn tou noètou theos aisthètos, megistos kai aristos kallistos te kai teleôtatos gegonen heis ouranos hode monogenès ôn. » « Ayant en effet reçu tous les vivants mortels et immortels et ayant été ainsi complètement rempli, cet univers-là, vivant visible enveloppant tout le visible, image perceptible par les sens du dieu intelligible, le plus grand et le meilleur, le plus beau et le plus parfait, le voilà né, cet unique ciel-là, seul engendré qu'il est. »

Lois

[N27]
898e2
Lois, X, 898d9-e2
« ATHÈNAIOS – Hèliou pas anthrôpos sôma men horai, psuchèn de oudeis· oude gar allou sômatos oudenos oute zôntos oute apothnèiskontos tôn zôiôn, alla elpis pollè to parapan to genos hèmin touto anaisthèton pasais tais tou sômatos aisthèsesi peripephukenai, noèton d' einai nôi monôi. [autre leçon : noèton d' einai. Nôi monôi...] » « L'ATHÉNIEN – Du soleil, tout homme voit le corps, mais l'âme, aucun ; et pas plus en effet d'aucun autre corps, soit vivant, soit mourant, d'êtres vivants, mais une conjecture vivace a cru parmi nous selon laquelle ce genre [d'êtres] est absolument imperceptible à toutes les perceptions sensibles du corps, mais est intelligible par l'intelligence seule. » (12)

Nooumenon est le participe présent passif neutre du verbe noein qui décrit l'action du vous, « intelligence, pensée ». Il peut, en le faisant précéder de l'article, se substantiver pour décrire « ce qui est pensé ». Comme noèton, ce terme apparait pour la première fois vers la fin du livre VI de la République, et dans la même phrase que la première occurrence de noèton.

République

[M1]
(= N1)
508c1
République, VI, 508b12-c2 (analogie du soleil et du bien)
« Touton toinun, èn d' egô, phanai me legein ton tou agathou ekgonon, hon tagathon egennèsen analogon heautôi, hotiper auto en tôi noètôi topôi pros te noun kai ta nooumena, touto touton en tôi horatôi pros te opsin kai ta horômena. » « Eh bien donc, c'est lui, repris-je, que je voulais dire en parlant de l'« enfant du bon », que le bon a engendré analogue à lu, ce que précisément lui-même est dans le domaine intelligible par rapport à l'intelligence et aux *** perçus par l'intelligence, celui-là l'étant dans le visible par rapport à la vue et aux *** vus. »
[M2]
509d8
République, VI, 509d6-510a3 (analogie de la ligne)
« Hôsper toinun grammèn dicha tetmèmenèn labôn anisa [ou an, isa ou an' isa ou isa] tmèmata, palin temne hekateron to tmèma ana ton auton logon, to te tou horômenou genous kai to tou nooumenou, kai soi estai saphèneiai kai asapheiai pros allèla en men tôi horômenôi to men heteron tmèma eikones--legô de tas eikonas prôton men tas skias, epeita ta en tois hudasi phantasmata kai en tois hosa pukna te kai leia kai phana sunestèken, kai pan to toiouton, ei katanoeis. » « Eh bien donc, prenant par exemple une ligne segmentée en deux segments inégaux (13), segmente à nouveau chacun des deux segments selon la même raison, celui de l'espèce vue et celui de celle perçue par l'intelligence, et tu auras, en fonction de la clarté et de l'absence de clarté des uns par rapport aux autres, d'une part dans le vu, d'une part l'un des deux segments : les images--j'appelle en effet images, tout d'abord d'une part les ombres, ensuite les reflets sur les eaux et sur les choses pour autant qu'elles sont par leur constitution à la fois compactes, lisses et brillantes, et tout ce qui est du même ordre, si tu comprends bien. »

Parménide

[M3]
132c6
Parménide, 132c6-7 (dialogue entre Parménide et Socrate, cf. A3 à A8)
« Eita ouk eidos estai touto to nooumenon hen einai, aei on to auto epi pasin; » « Eh bien alors l'eidos ne serait-il pas cela même qui est pensé être un, étant toujours le même sur toutes [choses] ? » (question de Parménide à Socrate)

Timée

[M4]
30d2
Timée, 30d1-31a1 (le modèle du « monde », cf. N19/N20)
« Tôi gar tôn nooumenôn kallistôi kai kata panta teleôi malista auton ho theos homoiôsai boulètheis zôion hen horaton, panth' hosa autou kata phusin sungenè zôia entos echon heautou, sunestèse. » « Car le dieu, voulant le rendre semblable au plus beau de ce qui s'appréhende par l'esprit et à ce qui est en tous points le plus parfait, c'est un unique vivant visible, ayant en lui tous les vivants autant qu'ils sont qui lui sont apparentés selon la nature, qu'il assembla. »
[M5]
51d5
Timée, 51d3-7 (introduction de la question des « idées », cf. N25)
« Ei men nous kai doxa alèthès eston duo genè, pantapasin einai kath' hauta tauta, anaisthèta huph' hèmôn eidè, nooumena monon· ei d', hôs tisin phainetai, doxa alèthès nou diapherei to mèden, panth' hopos' au dia tou sômatos aisthanometha theteon bebaiotata. » « Si d'un côté appréhension par l'esprit et opinion vraie sont deux genres, existent très certainement, mêmes par rapport à elles-mêmes, des formes non perceptibles par nos sens, seulement appréhendées par l'esprit ; si par contre, comme il apparaît à certains, opinion vraie ne diffère en rien d'appréhension par l'esprit, alors tout ce que nous percevons par le moyen du corps doit être posé comme on ne peut plus certain. »

Noèma est à l'origine le nom d'action dérivé du verbe noein, lui-même dérivé de nous. Il désigne donc la pensée en tant qu'acte, avant d'en venir à désigner, chez Aristote en particulier, le produit de cette pensée, le concept par opposition à la sensation. Chez Platon, ce terme est le plus souvent utilisé dans un contexte lié à Parménide, soit dans la bouche de celui-ci lors de son dialogue avec Socrate dans le Parménide (5 occurrences), soit dans une citation de lui par l'étranger d'Élée (2 occurrences), soit par l'étranger d'Élée lui-même (1 occurrence). On le trouve aussi une fois dans la bouche d'Agathon, dans le Banquet, où il consitue le dernier mot de son discours, et seulement deux fois dans la bouche de Socrate, une première fois dans le Ménon, dans une citation du poète Théognis, et une seconde fois dans son dialogue avec Parménide, ce qui nous ramène au contexte parménidien. Bref, ce n'est pas un terme qui semble appartenir au vocabulaire proprement platonicien. Sur son usage chez Parménide, voir la note 63 à ma traduction de la première partie du dialogue entre Parménide et Socrate.

Ménon

[A1]
95e5
Ménon, 95e4-96a2 (reprise du dialogue avec Ménon après le dialogue avec Anytos)
« SÔKRATÈS – En allois de ge oligon metabas, --
ei d' èn poièton, phèsi, kai entheton andri noèma,
legei pôs hoti--
pollous an misthous kai megalous epheron
hoi dunamenoi touto poiein, kai--
ou pot' an ex agathou patros egento kakos,
peithomenos muthoisi saophrosin. alla didaskôn
ou pote poièseis ton kakon andr' agathon.
Ennoeis hoti autos hautôi palin pari tôn autôn tanantia legei; »
(le texte en caractères non italiques est une citatin de Théognis)
« SOCRATE – Mais dans d'autres [vers] pourtant, en avançant un peu,
Mais si était façonnable, déclare-t-il, et implantable dans l'homme l'intelligence (14),
il dit en quelque sorte que
De nombreux et grands salaires emporteraient
ceux qui seraient capables de le faire, et
Jamais d'un bon père ne naîtrait un méchant,
S'il se laissait persuader par de sages discours ; mais en enseignant,
Jamais tu ne feras du méchant homme un bon.
Conçois-tu que lui-même, à tour de rôle sur les mêmes choses, dit le contraire ?  »

Banquet
[A2]
197e5
Banquet, 197d8-e5 (conclusion du discours d'Agathon sur Erôs)
« En ponôi, en phobôi, en pothôi, en logôi kubernètès, epibatès, parastatès te kai sôtèr aristos, sumpantôn te theôn kai anthrôpôn kosmos, hègemôn kallistos kai aristos, hôi chrè hepesthai panta andra ephumnounta kalôs, ôidès metechonta hèn aidei thelgôn pantôn theôn te kai anthrôpôn noèma. » « Dans la sueur, dans la peur, dans la passion, dans la raison timonier, cavalier, associé et sauveur le meilleur, ordonnateur, meneur de toute beauté et de toute bonté, qu'il est nécessaire a tout homme de suivre en chantant bellement, prenant part au chant qu'il [Erôs, l'Amour] chante ensorcelant de tous, divinités et humanité, la pensée. »

Parménide

[A3]
132b4

[A4]
132b7

[A5]
132b7

[A6]
132c3

[A7]
132c10

[A8]
132c11
Parménide, 132b3-c12 (dialogue entre Parménide et Socrate)
« Alla, phanai, ô Parmenidè, ton Sôcratè, mè tôn eidôn hekastôn èi toutôn noèma, kai oudamou autôi prosèkèi eggignesthai allothi è en psuchais· houtô gar an hen ge hekaston eiè kai ouk an eti paschoi ha nundè elegeto.
Ti oun; phanai, hen hekaston esti tôn noèmatôn, noèma de oudenos;
All' adunaton, eipein.
Alla tinos;
Nai.
Ontos è ouk ontos;
Ontos.
Ouch henos tinos, ho epi pasin ekeino to noèma epon noei, mian tina ousan idean;
Nai.
Eita ouk eidos estai touto to nooumenon hen einai, aei an to auto epi pasin;
Anagkè au phainetai.
Ti de dè; eipein ton Parmenidèn, ouk anankèi hèi talla phèis tôn eidôn metechein è dokei soi ek noèmatôn hekaston einai kai panta noein, è noèmata onta anoèta einai;
All' oude touto, phanai, echei logon...
 »
« À moins, Parménide », déclara Socrate, « que chacun de ces eidôn ne soit une pensée, et que nulle part il ne lui convienne de se produire ailleurs que dans les âmes ; car ainsi chacun serait bien un et ne souffrirait plus ce qui vient d'être dit. »
« Eh bien quoi ? » déclara-t-il, « une est chacune de ces pensées, mais pensée de rien ? »
« Mais c'est impossible ! » dit-il.
« Mais alors, de quelque chose ? »
« Oui. »
« Qui est ou qui n'est pas ? »
« Qui est. »
« Ne serait-ce pas de quelque
[chose d']un, que cette pensée pense comme survenant sur tout cela, étant une certaine idean une ? »
« Oui. »
« Eh bien alors l'
eidos ne serait-il pas cela même qui est pensé être un, étant toujours le même sur toutes [choses] ?
« Cela semble encore une fois nécessaire. »
« Mais quoi encore ? » dit Parménide, « n'est-il pas nécessaire que ces autres choses que tu déclares avoir part aux
eidôn, ou te semblent chacune être faites de pensées et toutes penser, ou, étant des pensées, être sans pensées. »
« Mais cela non plus », déclara-t-il, « n'a pas de sens.
 »

Sophiste

[A9]
237a9
Sophiste, 237a8-9 (citation de Parménide, fragment VII, 1-2, par l'étranger d'Élée)
« Ou gar mè pote touto damèi, phèsin, einai mè eonta· alla su tèsd' aph' hodou dizèmenos eirge noèma » « Car jamais ceci ne sera dompté, dit-il, que sont des non étants ; mais toi, de cette voie, lorsque tu cherches à comprendre, écarte la pensée »
[A10]
258d3
Sophiste, 258d2-3 (citation de Parménide, fragment VII, 1-2, par l'étranger d'Élée)
« Ou gar mè pote touto damèi, einai mè eonta, alla su tèsd' aph' hodou dizèsios eirge noèma » (15) « Car jamais ceci ne sera dompté, que sont des non étants ; mais toi, de cette voie de recherche, écarte la pensée »

Politique

[A11]
260d8
Politique, 260d7-9 (les divisions conduisant à l'art royal (16))
« XENOS – Oukoun kai to kèrukikon phulon epitachthent' allotria noèmata paradechomenon auto deuteron epitattei palin heterois » « L'ÉTRANGER – Eh bien de même la race des héraults recevant des prescriptions issues des pensées d'autrui, elle-même en second les prescrit à son tour à d'autres. »

Noèsis est un autre nom d'action dérivé de noein. Il désigne l'activité du nous, soit en tant que simple faculté, soit en tant qu'effectivement exercée, par exemple par opposition à l'aisthèsis, qui est l'activité des sens. La noèsis est en quelque sorte chez Platon l'activité de l'homme qui lui donne accès au noèton. Comme noèton et noèsis, ce terme fait sa première apparition chez Platon vers la fin du livre VI de la République, et 15 de ses 23 utilisations par Platon se trouvent au livre VII de la République, dans la description du programme de formation du philosophe : il semble bien que ce soit l'un des enjeux majeurs de cette formation que de susciter l'activité convenable de la noèsis.

La République

[S1]
511d8
République, VI, 511d6-e4 (analogie de la ligne)
« Kai moi epi tois tettarsi tmèmasi tettara tauta pathèmata en tèi psuchèi gignomena labe, noèsin men epi tôi anôtatô, dianoian de epi tôi deuterôi, tôi tritôi de pistin apodos kai tôi teleutaiôi eikasian, kai taxon auta ana logon, hôsper eph' hois estin alètheias metechei, houtô tauta saphèneias hègèsamenos metechein. » « Et maintenant, prends-moi, sur les quatre segments, ces quatre affections engendrées dans l'âme, l'appréhension par l'intelligence d'abord sur le plus haut, la réflexion ensuite sur le second, au troisième ensuite attribue la confiance et au dernier la conjecture, et range-les en te guidant sur cette raison que, comme les *** sur lesquels c'est participent à la vérité, ainsi celles-ci participent à la clarté. »
[S2]
523a1
République, VII, 522e1-523a3 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Allo ti oun, èn d' egô, mathèma anagkaion polemikôi andri thèsomen kai logizesthai te kai arithmein dunasthai;
Pantôn g', ephè, malista, ei kai hotioun mellei taxeôn epaïein, mallon d' ei kai anthropos esesthai.
Ennoeis oun, eipon, peri touto to mathèma hoper egô;
To poion;
kinduneuei tôn pros tèn noèsin agontôn phusei einai hôn zètoumen, chrèsthai d' oudeis autôi orthôs, helktikôi onto pantapasi pros ousian.
 »
« Voilà donc une autre étude, repris-je, que nous poserons comme nécessaire à l'homme de guerre : pouvoir calculer et compter.
Plus que tout en vérité, dit-il, s'il doit entendre quoi que ce soit à la mise en position des troupes, mais plus encore s'il veut être un homme.
Comprends-tu donc, dis-je, à propos de cette étude la même chose que moi ?
Quoi ?
Elle risque bien d'être de celles que nous cherchons, qui conduisent par nature vers l'intelligence, mais personne ne se sert correctement d'elle, alors qu'elle est tout à fait apte à attirer vers la richesse des êtres.
 »
[S3]
523b1
République, VII, 523a10-b4 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Deiknumi dè, eipon, ei kathorais, ta men en tais aisthèsesin ou parakalounta tèn noèsin eis episkepsin, hôs hikanôs hupo tès aisthèseôs krinomena, ta de pantapasi diakeleuomena ekeinèn episkepsasthai, hôs tèn aisthèseôs ouden hugies poiousès. » « Eh bien, je te montre, repris-je, si tu regardes attentivement, que certaines de nos sensations ne sollicitent pas l'intelligence en vue d'une enquête, parce qu'adéquatement jugées par la sensation, alors que d'autres prescrivent à toute force qu'elle enquête, parce que la sensation ne produit rien de sain. »
[S4]
523d4

[S5]
523d8
République, VII, 523c11-e1 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Daktulos men autôn phainetai homoiôs hekastos, kai tautèi ge ouden diapherei, eante en mesôi horatai eant' en eschatôi, eante leukos eante melas, eante pachus eante leptos, kai pan ho ti toiouton. En pasi gar toutois ouk anagkazetai tôn pollôn hè psuchè tèn noèsin eperesthai ti pot' esti daktulos· oudamou gar hè opsis autèi hama esèmènen ton daktulon tounantion è daktulon einai.
Ou gar oun, ephè.
Oukoun, èn d' egô, eikotôs to ge toiouton noèseôs ouk an paraklètikon oud' egertikon eiè. 
»
« C'est bien un doigt que chacun d'eux paraît semblablement être, et de ce point de vue, cela ne change rien qu'il soit vu au milieu ou à l'extrêmité, qu'il soit blanc ou noir, qu'il soit gros ou mince, et toutes choses semblables. Car en toutes celles-ci, il n'est pas nécessaire, chez la plupart, que l'âme demande en plus à l'intelligence ce que peut bien être un doigt, car en aucun cas la vue ne lui a signalé que le doigt était en même temps le contraire d'un doigt.
Certes non, bien sûr, dit-il.
Donc, repris-je, vraisemblablement ce genre de choses-là ne sera pour l'intelligence ni solliciteur ni eveilleur.
 »
[S6]
524b4
République, VII, 524a6-b5 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Oukoun, èn d' egô, anagkaion en tois toioutois au tèn psuchèn aporein ti pote sèmainei hautè hè aisthèsis to sklèron, eiper to auto kai malakon legei, kai hè tou kouphou kai hè tou bareos, ti to kouphon kai baru, ei to te baru kouphon kai to kouphon baru sèmainei.
Kai gar, ephè, hautai ge atopoi tèi psuchèi hai hermèneiai kai episkepseôs deomenai.
Eikotôs ara, èn d' egô, en tois toioutois prôton men peiratai logismon te kai noèsin psuchè parakalousaepiskopein eite hen eite duo estin hekasta tôn eisaggellomenôn.
 »

« Donc, repris-je, il est alors nécessaire, dans de tels cas, que l'âme soit dans l'embarras sur ce que ce sens peut bien signaler comme « le dur », si en effet il dit que la même chose est aussi molle ; et avec celui du léger et du lourd, qu'en est-il du léger et lourd, s'il signale aussi bien le lourd comme léger que le léger comme lourd ?
Et en effet, dit-il, ces interprétations sont vraiment insolites pour l'âme et ont besoin d'une enquête.
Vraisemblablement donc, repris-je, dans de telles situations, l'âme tente tout d'abord, en faisant appel au raisonnement et à l'intelligence, d'examiner si chacune des choses qui lui sont dénoncées est une ou deux.
 »
[S7]
524c7
République, VII, 524c6-8 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Dia de tèn toutou saphèneian mega au kai smikron hè noèsis ènagkasthè idein, ou sugkechumena, alla diôrismena, tounantion è 'keinè » « Alors qu'à cause de l'évidence de tout ça, l'intelligence a été contrainte pour sa part de voir grand et petit, non pas confondus, mais séparés, au contraire de celle-là. »
[S8]
524d5
République, VII, 524d2-5 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Tauta toinun kai arti epecheiroun legein, hôs ta men paraklètika tès dianoias esti, ta de ou, ha men eis tèn aisthèsin hama tois enantiois heautois empiptei, paraklètika horizomenos, hosa de mè, ouk egertika tès noèseôs » « Eh bien c'est ça que tout à l'heure j'avais entrepris de dire, qu'il y a d'une part ce qui est solliciteur de la réflexion, d'autre part ce qui [ne l'est] pas, ce qui d'une part s'offre à la sensation avec en même temps son contraire étant défini comme solliciteur, tant qui d'autre part [ne le fait] pas, comme pas éveilleur de l'intelligence. »
[S9]
525c3
République, VII, 525b11-c6 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Prosèkon dè to mathèma an eiè, ô Glaukôn, nomothetèsai kai peithein tous mellontas en tèi polei tôn megistôn methexein epi logistikèn ienai kai anthaptesthai autès mè idiôtikôs, all' heôs an epi thean tès tôn arithmôn phuseôs aphikôntai tèi noèsei autèi, ouk ônès oude praseôs charin hôs emporous è kapèlous meletôntas, all' heneka polemou te kai autès tès psuchès rhaistônès metastrophès apo geneseôs ep' alètheian te kai ousian. » « Il serait alors convenable, Glaucon, de légiférer sur cette étude et de convaincre ceux qui sont destinés à avoir part à ce qu'il y a de plus grand dans la cité d'aller faire un tour du côté du calcul et de se colleter avec lui, non pas en amateurs, mais jusqu'à ce qu'ils parviennent à la contemplation de la nature des nombres par l'intelligence elle-même, s'exerçant non pas en vue d'achat ou de vente, comme les négociants et les boutiquiers, mais en vue de la guerre et aussi de la facilité du retournement de l'âme elle-même du devenir vers la vérité et la richesse des êtres. »
[S10]
526b2
République, VII, 526a8-b3 (l'arithmétique dans la formation du philosophe)
« Horais oun, èn d' egô, ô phile, hoti tôi onti anagkaion hèmin kinduneuei einai to mathèma, epeidè phainetai ge prosanagkazon autèi tèi noèsei chrèsthai tèn psuchèn ep' autèn tèn alètheian » « Tu vois donc, repris-je, l'ami, qu'il y a chance que cette étude nous soit réellement nécessaire, puisqu'elle apparaît bien comme contraignant l'âme à se servir de l'intelligence elle-même en vue de la vérité elle-même. »
[S11]
529b2
République, VII, 529a9-c3 (l'astronomie dans la formation du philosophe)
« Ouk aggenôs moi dokeis, èn d' egô, tèn peri ta anô mathèsin lambanein para sautôi hè esti· kinduneueis gar kai ei tis en orophèi poikilmata theômenos anakuptôn katamanthanoi ti, hègeisthai an auton noèsei all' ouk ommasi theôrein. Isôs oun kalôs hègèi, egô d' euèthikôs. Egô gar au ou dunamai allo ti nomisai anô poioun psuchèn blepein mathèma è ekeino ho an peri to on te èi kai to aoraton, ean te tis anô kechènôs è katô summemukôs tôn aisthètôn ti epicheirèi manthanein, oute mathein an pote phèmi auton—epistèmèn gar ouden echein tôn toioutôn—oute anô alla katô autou blepein tèn psuchèn, kan ex huptias neôn en gèi è en thalattèi manthanèi. » « C'est non sans noblesse que tu me sembles, repris-je, appréhender la connaissance des choses d'en haut qui est tienne ! (17) Et en effet, tu cours le danger de juger que, pour peu que quelqu'un remarque quelque chose en levant la tête pour contempler les décorations bariolées d'un plafond, c'est par la pensée, et non par les yeux, qu'il le contemplerait. Eh bien peut-être que tu en juges comme il faut et moi, par contre, comme un benêt. (18) Car moi au contraire, je ne puis tenir rien d'autre pour un objet d'étude qui fasse regarger l'âme vers le haut, sinon celui qui est relatif à l'étant et à l'invisible, et si quelqu'un, [les yeux] grand ouverts vers le haut ou fermés vers le bas, entreprend d'étudier quelqu'un des objets sensibles, je dis que celui-là n'apprendra jamais rien, car la science n'a en elle rien de semblable ; et ce n'est pas au dessus, mais au dessous d'elle que l'âme regarde, quand bien même elle étudierait retournée sur le dos, sur terre ou sur mer. »
[S12]
(=N13)
532b1
République, VII, 532a5-b2 (le dialegesthai)
« Houtô kai hotan tis tôi dialegesthai epicheirèi aneu pasôn tôn aisthèseôn dia tou logou ep' auto ho estin hekaston horman, kai mè apostèi prin an auto ho estin agathon autèi noèsei labèi, ep' autôi gignetai tôi tou noètou telei, hôsper ekeinos tote epi tôi tou horatou. » « Et ainsi, chaque fois que quelqu'un, par le dialegesthai, entreprend, sans toutes les sensations, par le logos, de s'élancer vers cela même qu'est chaque chose, et ne renonce pas avant que cela même qu'est le bien, il l'ait saisi par l'intelligence elle-même, il parvient au terme même de l'intelligible, comme l'autre tout à l'heure à celui du visible. »
[S13]
534a2

[S14]
534a3

[S15]
534a4

[S16]
534a4

(=N14)
République, VII, 533e7-534a8 (le dialegesthai)
« Areskei oun, èn d' egô, hôsper to proteron, tèn mèn prôtèn moiran epistèmèn kalein, deuteran de dianoian, tritèn de pistin kai eikasian tetartèn· kai sunamphotera men tauta doxan, sunamphotera d' ekeina noèsin· kai doxan men peri genesin, noèsin de peri ousian· kai ho ti ousia pros genesin, noèsin pros doxan, kai ho ti noèsis pros doxan epistèmèn pros pistin kai dianoian pros eikasian· tèn d' eph' hois tauta analogian kai diairesin dichèi hekaterou, doxastou te kai noètou, eômen, ô Glaukôn, ina mè hèmas pollaplasiôn logôn emplèsèi, è hosôn hoi parelèluthotes. » « Il suffit donc, repris-je, comme auparavant, d'appeler la première part « science », la deuxième « réflexion », la troisième « croyance » et « imagination » la quatrième ; et ces deux-là ensemble, « opinion », et les deux autres, « intelligence » ; et opinion d'une part [est] à propos de devenir, intelligence d'autre part à propos d'ousian (19) ; et ce qu'[est] ousia par rapport à devenir, intelligence [l'est] par rapport à opinion, et ce qu'[est] intelligence par rapport à opinion, science [l'est] par rapport à croyance et réflexion par rapport à imagination ; mais l'analogie avec ce sur quoi ces choses [portent] et la division en deux de chacun des deux, opinable et intelligible, laissons tomber, Glaucon, pour ne pas nous rassasier de discours beaucoup plus longs que ceux qui ont précédé. »

Cratyle

[S17]
407b4

[S18]
407b9
Cratyle, 407a8-c2 (Socrate sur l'étymologie du nom « Athéna »)
« Eoikasi dè kai hoi palaioi tèn Athènan nomizein hôsper hoi nun peri Homèrou deinoi. Kai gar toutôn hoi polloi exègoumenoi ton poiètèn phasi tèn Athènan auton noun te kai dianoian pepoièkenai, kai ho ta onomata poiôn eoike toiouton ti peri autès dianoeisthai, eti de meizonôs legôn theou noèsin hôsperei legei hoti “ha theonoa” estin hautè, tôi alpha xenikôs anti tou èta chrèsamenos kai to iôta kai to sigma aphelôn. Isôs de ou tautè, all' hôs ta theia noousès autès diapherontôs tôn allôn “Theonoèn” ekalesen. Ouden de apechei kai tèn en tôi èthei noèsin hôs ousan tèn theon tautèn “Èthonoèn” men boulesthai proseipein· paragagôn de è autos è tines husteron epi to kallion hôs ôionto, “Athènaan” ekalesan » « Déjà aussi les anciens semblent avoir jugé d'Athéna comme les spécialistes d'Homère d'aujourd'hui. Et en effet, la plupart d'entre eux, interprétant le poète, disent qu'il a fait d'Athéna l'intelligence et la pensée, et le faiseur des noms semble penser la même chose à propos d'elle, mais en encore plus grandiose : parlant de l'intelligence de dieu, il dit en quelque sorte qu'elle est “ha theonoa (lou divinintellou)” , en se servant de l'alpha étranger à la place de l'èta et en ôtant l'iota et le sigma. (20) Mais peut-être n'est-ce pas pour ça mais en tant que “concevant les choses divines (ta theia noousès)” différemment des autres qu'il l'appela “Theonoèn”. Mais rien n'empêche aussi que “l'intelligence habituelle (tèn en tôi èthei noèsin), en tant qu'étant cette déesse, il ait d'abord voulu l'appeler du nom de “Èthonoèn” ; mais, soi lui soit d'autres ensuite, en dérivant vers le plus beau, à ce qu'ils pensaient, l'appelèrent “Athènaan”. »
[S19]
411d4

[S20]
411d8

[S21]
411e2
Cratyle, 411c7-411e3 (Socrate sur l'étymologie de « phronèsis » et « noèsis »)
« SÔKRATÈS – Ou katenoèsas isôs ta arti legomena hoti pantapasin hôs pheromenois te kai rheousi kai gignomenois tois pragmasi ta onomata epikeitai.
HERMOGENÈS – Ou panu enethumèthèn.
SÔKRATÈS – Kai mèn prôton men touto ho prôton eipomen pantapasin hôs epi toioutôn estin.
HERMOGENÈS – To poion;
SÔKRATÈS – Hè “phronèsis”· phoras gar esti kai rhou noèsis. Eiè d' an kai hupolabein · all' oun peri ge to pheresthai estin. Ei de boulei, hè “gnômè” pantapasin dèloi gonès skepsin kai nômèsin· to gar “nôman” kai to “skopein” tauton. Ei de boulei, auto hè “noèsis” tou neou estin hesis, to de nea einai ta onta sèmainei gignomena aei einai· toutou oun ephiesthai tèn psuchèn mènuei to onoma ho themenos tèn “neoesin”. Ou gar “noèsis” to archaion ekaleito, all' anti tou èta ei edei legein duo, “noeesin”. »
« SOCRATE – Tu n'as peut-être pas tout à fait compris ce qui a été dit auparavant, que c'est en tout et pour tout en tant que les choses sont sujettes au déplacement, à l'écoulement et au devenir que les noms ont été mis sur elles.
HERMOGÈNE – Je ne m'étais pas complètement rentré ça dans la tête.
SOCRATE – Et certes, en premier lieu, celui que j'ai mentionné en premier lieu est en tout et pour tout sur ça.
HERMOGÈNE – Lequel ?
SOCRATE – La “réflexion [phronèsis]”. Elle est en effet l'intelligence du déplacement et de l'écoulement [phoras rhou noèsis]. Mais il est aussi possible de déceler là-dessous le bénéfice du déplacement [phoras onèsin]. Mais en tout cas c'est bien le fait d'être sujet au déplacement qu'elle concerne. Et puis, si tu veux, le “jugement [gnômè]” manifeste sans doute tout à fait l'observation attentive et le dirigement [du regard] (21) portant sur la génération [gonès nômèsis] ; car “observer” et “diriger [le regard]”, c'est la même chose. Et puis, si tu veux, l'“intelligence [noèsis]” elle-même, est l'élancement vers le nouveau [neou hesis], or le fait pour les êtres d'être nouveaux signifie qu'ils sont toujours en devenir ; c'est donc le fait pour l'âme de s'élancer vers cela que révèle l'instigateur du nom de “neoesis”. Car à l'origine elle n'était pas appelée “noèsis”, mais à la place du èta, il fallait prononcer deux epsilons : “noeesis”. »

Timée

[S22]
28a1
Timée, 28a1-a4 (le prologue de Timée à son discours, à propos des deux modèles possibles)
« To men dè noèsei meta logou perilèpton, aei kata tauta on, to d' au doxèi met' aisthèseôs alogou doxaston, gignomenon kai apollumenon, ontôs de oudepote on. » « L'un donc est saisissable par l'intelligence avec l'aide de la raison/du discours, étant toujours identique à lui-même, alors que l'autre est conjecturable par l'opinion avec l'aide de la sensation dépourvue de raison, naissant et mourant, mais n'étant à proprement parler jamais. »
[S23]
52a4
Timée, 51e6-52b5 (les trois « genres », cf. N23)
« Toutôn de houtôs echontôn homologèteon hen men einai to kata tauta eidos echon, agennèton kai anôlethron, oute eis heauto eisdechomenon allo allothen oute auto eis allo poi ion, aoraton de kai allôs anaisthèton, touto ho dè noèsis eilèchen episkopein· to de homônumon homoion te ekeinôi deuteron, aisthèton, gennèton, pephorèmenon aei, gignomenon te en tini topôi kai palin ekeithen apollumenon, doxèi met' aisthèseôs perilèpton· triton de au genos on to tès chôras aei, phthoran ou prosdechomenon, hedran de parechon hosa echei genesin pasin, auto de met' anaisthèsias hapton logismôi tini nothôi, mogis piston, pros ho dè kai oneiropoloumen blepontes kai phamen anankaion einai pou to on hapan en tini topôi kai katechon chôran tina, to de mèt' en gèi mète pou kat' ouranon ouden einai. » « Les choses étant ainsi, il faut convenir qu'une est d'une part la forme qui demeure identique à elle-même, non engendrée et impérissable, ne recevant pas plus en elle-même autre chose d'ailleurs que n'allant elle-même vers autre chose où que ce soit, invisible et non perceptible autrement par les sens, ce que précisément l'intelligence a obtenu en partage d'examiner ; et puis, homonyme et semblable à celle-là, la seconde, perceptible par les sens, engendrée, toujours portée de çà, de là, naissant en un certain lieu et au rebours se voyant arraché de là, saisissable par l'opinion avec l'aide de la sensation ; et puis encore un troisième genre étant toujours celui de l'espace, n'admettant pas la corruption, fournissant le siège de toute naissance, autant qu'il y en a, mais lui-même accessible par un raisonnement quelque peu bâtard avec l'aide de l'insensibilité, à peine croyable, et dont en vérité la vue nous fait nous agiter comme dans un rêve et dire qu'il est nécessaire que tout ce qui est soit quelque part, en un certain lieu et occupant un certain espace, mais que ce qui n'est ni sur la terre, ni quelque part dans le ciel n'est rien. »

Si le terme noèton est peu fréquent dans les dialogues (27 occurrences) et cantonné dans 5 dialogues, dont principalement la République (14 occurrences, soit la moitié), aux livres VI (8 occurrences, dont 7 pour la seule section de l'analogie de la ligne) et VII (6 occurrences), son contraire, anoètos, est deux fois plus fréquent (50 occurrences de l'adjectif et 8 de l'adverbe anoètôs) et d'un usage plus banalisé puisqu'on le trouve dans plus de la moitié des dialogues (15 sur 28), et presque jamais dans le même contexte que noètos (les exceptions sont Phédon, 80b1-4 [N15], Sophiste, 246b7-8 [N18] et Timée, 30b2-c7 [N19]) :

Protagoras (1) : 323d4

Hippias majeur (2) : 283a6, 304b5

Gorgias (12) : 464d6, 493a7, 493b1, 493c2, 497e6, 497e8, 505b2, 514c7, 514e8, 519b2, 521c7, 527c7

Criton (1) : 53c2

Banquet (3) : 181b5, 218c9, 221e6

Phèdre (2) : 241a8, 241b7

République (5+2) : I, 336e8 (anoètôs) ; II, 360d5 ; II, 379d1 (anoètôs) ; II, 382e3 ; V, 466b7 ; X, 605b8 ; X, 609c4

Phédon (4+1) : 62d8, 80b4, 88b4 (anoètôs), 95c4, 95d7

Euthydème (2) : 278e5, 290c6

Parménide(1) : 132c11

Théétète (2) : 175b4, 177a8

Sophiste (2) : 228d4, 234b8

Philèbe (2+1) : 12d3, 12d5, 49b1 (anoètôs)

Timée (4) : 30b2, 44a3, 44c3, 92b1

Lois (7+4) : I, 635e3 ; II, II, 665d4 (anoètôs) ; III, 687d9 ; VI, 778a3 (anoètôs) ; VII, 805a5 (anoètotata) ; VIII, 830b7 ; VIII, 839b5 ; X, 891c7 ; X, 909d5 ; XI, 922c3 (anoètôs) ; XII, 967d1


(1) Tous les classiques grecs antérieurs à Platon sont disponibles dans leur intégralité à Perseus (voir liste des textes grecs disponibles sur le site Perseus), à l'exception des fragments des Présocratiques. (<==)

(2) Toutes les œuvres d'Aristote ne sont pas disponibles à Perseus. Outre la Métaphysique et l'Étique à Nicomaque, on y trouve les Premiers analytiques, la Politique et l'Économique, la Rhétorique et la Poétique, la Constitution des Athéniens, l'Étique à Eudème, et enfin le traité Des vertus et des vices. (<==)

(3) Comme tous les vers de Parménide, ces vers peuvent donner lieu à de multiples compréhensions, et donc traductions. Celle que je propose n'en est qu'une parmi d'autres. Mais pour le sujet qui nous occupe, l'utilisation de noèton, ces variations ne changent rien. Il s'agit toujours du caractère "non pensable (ou noèton)" aussi bien que "non dicible (ou phaton)" de ce qui "n'est pas (ouk esti)". (<==)

(4) Platon, qui fait définir la pensée par son Socrate comme un logos intérieur de l'âme se parlant à elle-même dans le Théétète (Théétète, 189e-190a), n'aurait sans doute aucun mal à admettre que ce qui est indicible est impensable. (<==)

(5) Sur la traduction d'eidos par « apparence » dans toute ma traduction de l'analogie de la ligne, voir la note 5 à ma traduction de cette section. (<==)

(6) Sur la traduction de cette phrase, voir les notes 44 et 45 à ma traduction de l'analogie de la ligne, ainsi que la note 21, qui justifie les traductions de hupothesis par « soutien » et d'archè par « principe (directeur) ». (<==)

(7) « Partition », qui traduit le grec nomos, est à prendre dans son sens musical (la « partition » que déchiffre et joue un instrumentiste). Sur cette traduction, voir la note 8 à ma traduction de cette section de la République. (<==)

(8) Je laisse ici ousia non traduit ; pour les problèmes que posent ce terme et les traductions possibles, voir la note 103 à ma traduction de l'analogie du soleil et du bien (<==)

(9) Dans un contexte différent, pour les citations N3 et N5, j'ai traduit eidè par « apparences » pour des raisons que j'explique dans la note 5 à ma traduction de l'analogie de la ligne. Ici, il est appliqué individuellement à chacune des entités intelligibles, et donc mis au pluriel pour indiquer que ces entités sont multiples. Par ailleurs, il va servir un peut plus loin à caractériser à lui tout seul l'un des deux camps qui s'opposent, dans la formule « tous tôn eidôn philous » (248a4), ce qui suppose qu'on lui donne un sens restrictif applicable aux seules entités qui opposent ce camp à l'autre, celui des « gègeneis » (248c2). Enfin, il n'est pas inutile, dans la mesure où le terme sert à caractériser des entités qui sont dites aorata, invisibles, de rappeler dans la traduction que la racine d'eidos est le verbe grec qui veut dire « voir ». « Formes » répond mieux à ces exigences qu'« idées », qui n'a plus pour nous qu'un sens abstrait. Et cette traduction conserve en français la contradiction qui n'est qu'apparente, qui consiste à utiliser un terme faisant référence à quelque chose, la « forme », que nous associons au visible pour parler de quelque chose qui est dit invisible, et donc l'incitation discrète à réfléchir sur cette « contradiction » pour en venir à réaliser que même celles des « formes » que nous disons « visibles » ne sont en fait déjà que des abstractions qui ne nous sont pas données en tant que telles par la vue, mais sont « abstraites » par nous des données brutes de la vue, qui ne sont que taches de « couleurs » (sur toute cette question, voir ma traduction de la section 73c6-77a5 du Ménon, que j'ai intitulé « Formes et couleurs », et en particulier la note 34). (<==)

(10) Je prends ici le risque de traduire ousia par « richesse des êtres » alors que je l'ai laissé non traduit dans une citation antérieure. La note 103 à ma traduction de l'analogie du soleil et du bien, déjà mentionnée à propos de la précédente occurrence de ce mot, permettra de comprendre les raisons qui me conduisent à cette traduction. (<==)

(11) Le même mot grec genesis (dont genesin est l'accusatif singulier) signifie à la fois « origine », « naissance » et « devenir ». Genesin echon (« ayant une origine/une naissance/un devenir ») s'oppose à aei kata tauta on (« étant toujours selon les mêmes [choses, manières d'être] ») tout comme horaton (« visible ») s'oppose à noèton (« intelligible ») pour distinguer les deux « sortes » (eidè) dont on parle. (<==)

(12) Les éditeurs divergent sur la place du point final de cette phrase (rappelons-nous--cf. la page de ce site qui donne une idée de ce à quoi ressemblait un texte du temps de Platon--que la ponctuation n'existait pas du temps de Platon et ne fut introduite dans ses textes que bien plus tard), c'est-à-dire sur le fait de savoir si les deux mots nôi monôi (« par l'intelligence seulement ») consituent la fin de la phrase ici traduite ou le début de la suivante, dans lequel l'Athénien tire la conclusion de ce qui vient d'être dit et propose de continuer la discussion en cours soit nôi monôi dè kai dianoèmati, « par l'intelligence seulement donc et par la pensée » (solution de Burnet et de ceux qui mettent le point après einai), soit hôi dè kai dianoèmati, « par laquelle donc et par la pensée » (solution s'appuyant sur une leçon trouvée chez Eusèbe, dans laquelle la phrase précédente se terme par noèton d' einai monon, et retenue par Diès dans l'édition Budé avec le nôi monôi à la fin de la phrase précédente). Quelle que soit la leçon retenue, le sens n'est pas différent. La leçon retenue par Diès me semble plus probable, car elle a pour elle une identité de construction entre
anaisthèton pasais tais tou sômatos aisthèsesi
et
noèton nôi monôi
où l'on trouve à chaque fois un adjectif verbal et un nom issus de la même racine (en rouge dans le texte ci-dessus : anaisthèton et aisthèsesi dans le premier cas, noèton et nôi dans le second cas) et la mise en évidence d'une opposition entre la multiplicité des sensations (pasais au pluriel) et l'unicité de l'esprit (monôi au singulier). (<==)

(13) Sur l'incertitude du texte à ce point, voir la note 8 à traduction de l'analogie de la ligne. (<==)

(14) Sur la traduction de noèma dans ce vers, voir la note 40 à ma traduction de cette section du Ménon. (<==)

(15) Cette seconde citation des mêmes vers de Parménide est légèrement différente de la première : dizèsios, génitif ionien du substantif dizèsis, « recherche », y remplace dizèmenos, participe présent du verbe dizesthai, « chercher ». C'est cette seconde version, en accord avec toutes les citations de ces vers par d'autres auteurs, qui doit être la bonne. (<==)

(16) Dans les divisions qui conduisent à l'art royal, l'étranger d'Élée place celui-ci dans le genre epitaktikon, « donneur d'ordres », plutôt que dans le genre kritikon, « producteur de jugements » dans une activité de pure contemplation, mais le distingue ensuite, dans la réplique ici citée, de l'art des hérauts. (<==)

(17) Socrate répond ici ironiquement à Glaucon qui vient de louer l'astronomie de ce qu'elle « force l'âme à regarder vers le haut », comme si l'élévation de l'âme dont parle Socrate était purement spaciale et qu'il suffisait de lever les yeux du corps pour voir les « idées » dans le ciel au dessus de nous !... (<==)

(18) La remarque de Socrate n'est qu'à demi ironique, car il est vrai que dès que l'observateur voit plus que des taches de couleur et détecte dans ces taches des « formes », géométriques ou pas, et reconnait ce que représente le dessin, c'est bien l'esprit qui a travaillé sur les données brutes du sens de la vue (ceci dit, on peut douter que Glaucon ait atteint ce niveau de compréhension). Mais pour Socrate, ce premier travail d'abstraction sur des êtres individuels perçus dans le temps et l'espace n'est pas encore le travail spécifique de l'intelligence et n'élève pas l'âme au delà de l'ordre « visible » vers ce qu'on pourrait appeler epistèmè (science). (<==)

(19) Je laisse ici ousia non traduit ; pour les problèmes que posent ce terme et les traductions possibles, voir la note 103 à ma traduction de l'analogie du soleil et du bien (<==)

(20) Socrate part de l'expression hè theou noèsis, que l'on trouve juste avant à l'accusatif et sans article (theou noèsin), dans laquelle l'èta initial avec esprit rude (rendu par dans la translittération en alphabet latin) est le nominatif singulier féminin de l'article défini (« la »), commandé par le féminin noèsis et, pour expliquer l'alpha initial d'"Athèna", le suppose déformé en alpha par contamination d'un dialecte étranger (comme le « lou » de ma tentative de traduction est une déformation provençale de « le »). Il suppose la même déformation d'un èta en alpha pour l'èta final d'un mot qu'il forme à partir de theou noèsis en supposant la chute des deux sigmas et de l'iota de la seconde syllabe (-sis). Mais son explication reste partielle puisqu'il ne rend pas compte de la disparition de l'upsilon de theou ni de la manière dont l'epsilon et l'omicron restants (theo) deviennent l'èta d'Athèna alors que normalement ces deux voyelles se contractent en ou. Mais on sait que les étymologies du Cratyle sont souvent fantaisistes et ironiques. (<==)

(21) Le mot que j'ai traduit par le néologisme « dirigement [du regard] » est le mot nômèsis, que le dictionnaire Bailly décrit comme un néologisme forgé par Platon à cet endroit à partir du verbe nôman, qui signifie « distribuer selon l'usage » et aussi « diriger » une arme dans la bonne direction, ou le gouvernail d'un navire, ou, au sens figué, d'une cité, ou encore ses pieds (pour fuir), ses yeux, ou sa pensée. C'est un verbe de la famille de nemein, dont le sens premier est « répartir selon l'usage », dont dérive aussi le mot nomos, « loi ». L'usage qu'en fait ici Platon laisse penser qu'à lui tout seul, et sans qu'il soit besoin d'ajouter ce à quoi on pensait, arme, regard, pensée, etc., il pouvait, selon le contexte, évoquer ces divers sens, un peu comme le mot français « viser », qui évoquer au sens propre des armes et au sens figuré des objectifs quelconques, et qui, dans le langage populaire, peut être utilisé comme synonyme de « voir » (« Vise un peu ça !... »). (<==)


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Première publication le 9 mars 2006 ; dernière mise à jour le 27 juin 2015
© 2006 Bernard SUZANNE (cliquez sur le nom pour envoyer vos commentaires par courrier électronique)
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